Par un arrêt du 6 décembre 2023, la Cour de cassation a confirmé que la commercialisation de produits cosmétiques d’occasion, dénués de leur emballage ou partiellement utilisés, constitue un usage illicite de la marque de luxe dont ils sont revêtus.
Une société de vente d’objets d’occasion ou neufs (le « Revendeur ») avait revendu des produits cosmétiques d’une marque de luxe (la « Maison de luxe »), dont certains avaient été acquis auprès d’un tiers qui les avait lui-même achetés à un revendeur agréé par le réseau de distribution sélective de la Maison de luxe.
La Maison de luxe avait alors fait constater, par Commissaire de justice, que le Revendeur commercialisait des échantillons gratuits ainsi que des produits partiellement utilisés ou dépourvus de leur emballage d’origine.
Le Revendeur, assigné par la Maison de luxe, avait été condamné par la Cour d’appel de Rennes pour usage illicite de marque et parasitisme.
Insatisfait, il a formé un pourvoi en cassation.
La vente d’échantillons gratuits, revêtus d’une marque de luxe, constitue un usage illicite de la marque
Il était reproché au Revendeur d’avoir commercialisé des échantillons de produits cosmétiques où figurait la mention « échantillon gratuit – ne peut être vendu ».
Se fondant sur la théorie de l’épuisement des droits, le Revendeur soutenait que la Maison de luxe ne pouvait pas s’opposer à la vente de ces échantillons dès lors qu’ils avaient été préalablement distribués par un revendeur agréé dans le but de faire la publicité des produits.
En effet, l’article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle interdit au titulaire de marque de s’opposer à l’usage de la marque lorsque :
- Les produits ont été mis dans le commerce de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen sous cette marque ; et
- Le titulaire de la marque a lui-même procédé à cette commercialisation ou y a consenti.
Ainsi, la première mise sur le marché d’un produit de marque, avec l’accord de son titulaire, empêche ce dernier de s’opposer à la commercialisation ultérieure de ce produit afin de garantir la libre circulation des marchandises.
En l’espèce, la Cour de cassation a rappelé la jurisprudence de la CJUE[1] selon laquelle la fourniture par le titulaire d’une marque, à ses distributeurs agréés, d’échantillons revêtus de la marque destinés à être testés sur le point de vente ou offerts aux consommateurs, ne constitue pas une mise dans le commerce[2].
La Cour a donc confirmé que la vente des échantillons, par le Revendeur, sans l’accord de la maison de luxe, constituait un usage illicite de la marque ouvrant droit à réparation.
Le titulaire de droit peut s’opposer à la revente de produits de marque usagés ou dépourvus de leur emballage
La Maison de luxe reprochait également au Revendeur d’avoir commercialisé des produits partiellement utilisés ou sans leur emballage d’origine.
Par exception au principe d’épuisement des droits, le titulaire de marque peut, malgré la mise dans le commerce licite d’un produit, s’opposer à tout nouvel acte de commercialisation s’il justifie de la modification ou de l’altération ultérieure de l’état du produit[3].
En l’espèce, la Maison de luxe faisait valoir que les produits cosmétiques sont soumis à des prescriptions sanitaires particulières empêchant leur commercialisation une fois qu’ils ont été utilisés une première fois. Or, les produits commercialisés par le Revendeur étaient usagés ou ne disposaient plus de leur emballage, empêchant ainsi de déterminer s’ils avaient ou non été préalablement utilisés.
La Cour d’appel avait en conséquence jugé que la commercialisation de cosmétiques et de parfums usagés ou dépourvus de leur emballage constitue une altération de l’état de ces produits.
La Cour de cassation a confirmé que le titulaire de marque était fondé à s’opposer à la vente d’un produit cosmétique pour lequel il ne peut être établi qu’il n’a jamais été utilisé au préalable.
Le fait pour un commerçant d’inviter des clients potentiels à tester les produits qu’il commercialise d’occasion chez un revendeur agréé constitue un acte de parasitisme
La Maison de luxe sollicitait de plus la condamnation du Revendeur au titre d’agissements parasitaires. Elle reprochait au Revendeur d’inviter les clients potentiels à tester les produits chez un revendeur agréé de la marque puis de les acheter à un prix plus bas dans sa propre boutique.
Le Revendeur se retranchait derrière la protection accordée à la revente de produits d’occasion, revente qui ne peut être interdite lorsque les produits ont été licitement acquis.
La Cour d’appel avait cependant jugé que le Revendeur ne pouvait pas bénéficier de cette protection dès lors qu’il avait cherché à s’approprier la clientèle de produits neufs recherchant « la bonne affaire » et non la clientèle spécifique des produits d’occasion.
La Cour de cassation a également considéré que le Revendeur avait commis des actes de parasitisme en invitant les clients à tester les produits qu’il commercialise d’occasion chez un revendeur agréé.
Lire l’arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 2023, n°20-18.653
[1] Cour de Justice de l’Union européenne
[2] CJUE, 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C-324/09
[3] Article L.713-4 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle