Par une ordonnance du 24 avril 2024, le Président du Tribunal judiciaire de Paris a confirmé la décision ayant ordonné à un réseau social de mettre en œuvre des mesures provisoires.
Une société exploitant des services de casino (la « Société ») a été victime d’une campagne de publicités massives sur un réseau social (le « Réseau social ») au moyen de l’utilisation non autorisée de ses marques.
Par une ordonnance obtenue sur requête par la Société, le Réseau social a été enjoint de mettre en œuvre tout moyen de nature à prévenir la publication de nouvelles publicités illicites. Il lui a notamment été ordonné de mettre en place des mesures de filtrage des contenus litigieux répondant aux critères définis dans l’ordonnance.
Dans ce contexte, le Réseau social a assigné la société en référé-rétractation devant le Président du Tribunal judiciaire afin d’obtenir la rétractation de l’ordonnance.
Le Président a partiellement confirmé la mesure ordonnée sur requête et ce faisant, confirmé qu’un réseau social peut se voir imposer de mettre en œuvre des mesures provisoires pour faire cesser ou prévenir toute atteinte à des droits de propriété intellectuelle.
En tant qu’intermédiaire, un réseau social peut se voir ordonner toute mesure propre à prévenir une atteinte aux droits de propriété intellectuelle
Le Code de la propriété intellectuelle dispose que tout intermédiaire dont les services sont utilisés par un contrefacteur peut être contraint d’adopter des mesures propres à faire cesser ou à prévenir une atteinte aux droits du requérant[1].
Le Réseau social contestait les mesures ordonnées sur requête sur ce fondement, en faisant valoir qu’en tant qu’hébergeur il n’avait pas d’obligation de surveillance générale et de ce fait, ne pouvait prévenir la publication d’autres publicités contrefaisantes.
Le juge, confirmant l’ordonnance sur requête, a considéré que le Réseau social avait, en permettant la publication de contenus contrefaisants, agi en qualité d’intermédiaire au sens du Code de la propriété intellectuelle. Partant, il était possible de lui ordonner des mesures provisoires pour faire cesser ou prévenir de toute atteinte imminente aux droits de propriété intellectuelle.
À ce titre, le juge a rappelé que la responsabilité du Réseau social n’avait pas à être démontrée. Il en va de même de la détermination de son rôle actif ou passif dans la publication des contenus illicites qui est indifférente.
Une mesure de filtrage ne constitue pas une obligation générale de surveillance dès lors qu’elle est proportionnée
Le Président devait apprécier si le filtrage ordonné au Réseau social était une mesure susceptible de porter atteinte à l’interdiction de soumettre un hébergeur à une obligation générale de surveillance[2].
Le Président a considéré que la mesure de filtrage litigieuse n’imposait pas au Réseau social une obligation générale de surveillance, aux motifs que :
- le Réseau social n’était soumis à aucune appréciation autonome des contenus illicites puisqu’il utilise un système automatisé aux fins d’identification et de désactivation des publications non conformes à ses standards ;
- le Réseau social devait uniquement procéder à une surveillance des publicités contenant les marques de la Société visées dans l’injonction parmi les publicités qui assuraient la promotion de jeux d’argent et de hasard en ligne ;
- la mesure critiquée était assortie d’une limite temporelle.
Néanmoins le juge a considéré que l’injonction, ordonnée pour une portée géographique mondiale, devait être limitée au territoire de l’Union européenne, en adéquation avec les territoires visés par les marques de la Société.
Lire l’ordonnance du Tribunal judiciaire de Paris du 24 avril 2024, n°24/02349
[1] Article L716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle.
[2] Article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 en ses dispositions I.2, I.5 et I.7, transposant l’article 15.1 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique.