Présomption de titularité des droits d’auteur : précisions sur les preuves d’exploitation de l’oeuvre

Le demandeur qui souhaite bénéficier de la présomption de titularité du fait d’une exploitation non équivoque doit produire des preuves démontrant de manière incontestable la réalité de cette exploitation.

La société Jesp a pour activité la confection d’articles de prêt-à-porter qu’elle commercialise dans sa boutique parisienne. Cette société commercialisait notamment un modèle de chemisier sur lequel elle estimait détenir les droits de propriété intellectuelle. 

La société Jesp était convaincue qu’un modèle de chemisier commercialisé par l’un de ses concurrents reproduisait les caractéristiques originales et propres de son propre modèle.  

Elle l’a alors assigné à titre principal en contrefaçon de droit d’auteur et dessins et modèles communautaires et à titre subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire devant le Tribunal judiciaire de Paris. 

Le Tribunal judiciaire de Paris a rejeté l’ensemble de ses demandes, au motif notamment que la société Jesp n’établissait pas la titularité de ses droits sur le chemisier litigieux. Dans un arrêt du 10 juin 2022, la Cour d’appel de Paris a confirmé ce jugement.

La présomption de titularité des droits d’auteur suppose de démontrer une exploitation non équivoque et sous son nom de l’œuvre revendiquée 

Le succès d’une action en contrefaçon de droit d’auteur par une personne morale est subordonné à la démonstration par cette dernière de sa titularité des droits sur l’œuvre. 

La jurisprudence a créé une présomption de titularité des droits d’auteur sur une œuvre, en l’absence de revendication de l’auteur, en faveur de celui qui démontre qu’il a exploité l’œuvre revendiquée de manière non équivoque et sous son nom[1]

Toutefois, la démonstration de cette exploitation non équivoque peut s’avérer complexe. 

En l’espèce, la société Jesp tentait de bénéficier de cette présomption et produisait, au soutien de sa demande de contrefaçon, huit factures et une liste de ses meilleures ventes qui, selon elle, mentionnait le modèle litigieux.  

Or, la Cour retenait l’analyse des juridictions du fond : les factures mentionnaient des références incohérentes et la composition du chemisier figurant sur l’étiquette était différente de celle mentionnée sur les factures. Aussi, la liste des meilleures ventes ne permettait ni de connaître l’identité des acheteurs, ni la date des achats. Elle n’était pas non plus certifiée par un comptable ou un expert-comptable et les références de cette liste ne permettaient pas d’identifier clairement le modèle de chemisier en cause. 

Les preuves rapportées par la société Jesp étaient donc insuffisantes pour bénéficier de la présomption de titularité des droits d’auteur sur le modèle revendiqué. 

Une simple attestation de l’auteur certifiant la cession des droits n’est pas suffisante pour démontrer cette cession

Faute de bénéficier d’une présomption de titularité, la société Jesp pouvait toujours démontrer qu’elle était titulaire des droits patrimoniaux sur le modèle de chemisier en prouvant la cession des droits du créateur à son profit. 

Elle a cependant de nouveau échoué à faire cette démonstration. La société Jesp se contentait de produire l’attestation d’une styliste certifiant avoir créé le chemisier litigieux dont elle a cédé les droits à l’appelante. 

Or, la production de cette attestation, en l’absence d’éléments complémentaires permettant d’en corroborer le contenu, tels que l’acte de cession ou le contrat de travail de la styliste était insuffisante pour démontrer cette cession. 

De surcroît, rien ne permettait de démontrer non plus que la styliste était bien l’auteur du chemisier, dans la mesure où l’appelante ne produisait pas non plus d’éléments justifiant du processus créatif ou de la réalité de la création.

Les prétentions sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire n’ont pas connu plus de succès pour les mêmes raisons : l’appelante ne démontrait pas l’exploitation certaine du chemisier supposé copié, ni la faute qu’aurait commise l’intimée en commercialisant son propre chemisier. Le public ne pouvait donc être induit en erreur du fait d’une quelconque confusion. 

Par conséquent, la Cour d’appel a confirmé le jugement ayant débouté la société Jesp de ses demandes au titre de la contrefaçon. 

Lire l’arrêt n° 20/14096 de la Cour d’appel de Paris du 10 juin 2022


[1] Arrêt « Aréo » n° 91-16.543 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 24 mars 1993.

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