La reproduction de la marque d’un concurrent dans le code source d’un site Internet n’est pas en soi illicite

La Cour d’appel de Paris a rejeté les demandes en contrefaçon et concurrence déloyale formées par un titulaire de marque contre le concurrent qui utilisait sa marque dans les codes sources de ses sites Internet.

Une société titulaire d’une marque verbale (la « Marque ») avait constaté que la saisie sur un moteur de recherches d’une combinaison de mots clés comprenant sa Marque et son activité dirigeait notamment vers les sites Internet d’une société concurrente. 

Ce référencement naturel avait pour origine les nombreuses reproductions de la Marque dans les codes sources des sites Internet concernés. 

La titulaire de la Marque a alors assigné sa concurrente devant le Tribunal de grande instance de Paris, considérant que cette utilisation était constitutive de contrefaçon et d’actes de concurrence déloyale. 

Dans un arrêt du 19 avril 2023, la Cour d’appel de Paris a confirmé la décision de première instance l’ayant débouté de ses demandes. 

La reproduction de la marque d’un concurrent dans le code source d’un site Internet n’est pas contrefaisante 

L’éditeur d’un site Internet a plusieurs moyens à sa disposition pour améliorer le référencement de son site. Il peut, d’une part, faire appel au service de référencement payant d’un moteur de recherche et acheter divers mots clés. Il peut, d’autre part, tenter d’améliorer son référencement naturel en intégrant ces mots clés directement dans le code source de son site Internet. 

Une pratique répandue est de sélectionner les marques et noms d’un concurrent à titre de mots clés pour améliorer son référencement. 

Toutefois, l’usage d’un signe identique ou similaire à une marque dans la vie des affaires pour des produits identiques ou similaires, sans autorisation de son titulaire, peut constituer une contrefaçon de marque. 

Comme la Cour d’appel l’a rappelé dans l’arrêt commenté, la jurisprudence européenne a précisé que le titulaire d’une marque ne peut pas s’opposer à l’usage d’un signe identique à sa marque si cet usage n’est pas susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de celle-ci.

La Cour de Justice de l’Union européenne a ainsi jugé que la réservation dans un service de référencement payant d’un mot clé identique à une marque pouvait être illicite. Tel est le cas lorsque la publicité permise au concurrent par ce référencement ne permet pas à l’internaute moyen d’identifier la provenance du produit[1]

Dans le cas d’espèce, la Cour d’appel a relevé que la reproduction de la Marque dans le code source du site Internet de la concurrente était invisible pour l’internaute.

Elle a aussi remarqué que la page où était reproduit une partie du code source était sans lien avec les produits et services commercialisés sur ledit site. Partant, elle a jugé qu’aucune contrefaçon de marque n’était caractérisée. 

S’agissant du référencement naturel induit par cet usage de la Marque, les juges ont relevé une combinaison d’éléments de fait pour considérer que l’utilisation par la concurrente de la Marque ne portait pas atteinte à ses fonctions : 

  • Les sites Internet litigieux apparaissaient via le référencement naturel après ceux de la titulaire de la Marque ;
  • Les liens des sites litigieux ne comportaient pas la Marque, et étaient au contraire composés du nom commercial de la concurrente ; 
  • Si la Marque apparaissait parmi les mots placés sous les liens, l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif savait que les produits et services visés ne provenaient pas de la titulaire de la Marque.

La Cour d’appel a donc débouté la titulaire de la Marque de sa demande fondée sur la contrefaçon.

L’usage de la marque d’autrui dans le code source d’un site Internet n’est pas en lui-même constitutif de concurrence déloyale 

La titulaire de la Marque considérait que la situation litigieuse était susceptible de détourner les internautes vers sa concurrente, de sorte que cette dernière tirerait profit sans bourse délier de ses investissements. 

La Cour a de nouveau retenu que l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif a connaissance qu’une recherche par mots clés combinant une activité et une marque va générer des résultats relatifs à diverses sociétés exerçant cette activité.

Elle a une fois encore opté pour la méthode du faisceau d’indices et relevé plusieurs éléments de faits, à partir des constats produits par les parties, pour déterminer si la concurrente avait commis une faute : 

  • Les liens vers les sites Internet de la concurrente ne comportaient pas la Marque ;
  • La description située en-dessous des liens et comprenant la Marque affichait également le nom commercial de la concurrente ; et
  • Les sites Internet auxquels conduisent lesdits liens ne faisaient aucune référence à la Marque.

La Cour a en conséquence retenu qu’il n’existait pas de risque de confusion ni de détournement fautif de clientèle, et en conséquence pas d’acte de concurrence déloyale. 

Que retenir de cet arrêt ?

  • L’usage d’une marque verbale dans le code source de sites Internet n’est pas constitutif de contrefaçon, faute d’être visible par l’internaute.
  • Le référencement naturel induit par cet usage ne porte pas atteinte aux fonctions de la marque dès lors que l’internaute identifie que les services et produits visés ne proviennent pas du titulaire de la marque. 
  • L’usage d’une marque dans le code source de sites Internet n’est pas constitutif de concurrence déloyale en l’absence de risque de confusion et de détournement de clientèle. 

Lire l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 avril 2023, RG n°21/17661


[1] CJUE, 23 mars 2010, Google Adwords, C-236/08 à C-238/08.

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