La protection européenne des indications géographiques étendue aux produits artisanaux et industriels 

Le législateur européen a étendu la protection des indications géographiques aux produits artisanaux et industriels.  

Le règlement européen 2023/2411 relatif à la protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels (« IGPAI ») a été adopté le 18 octobre 2023. 

Ce règlement vient étendre la liste des produits pouvant bénéficier de la protection des indications géographiques (« IG ») à l’échelle de l’Union européenne. 

Jusqu’à présent seuls les vins, les boissons spiritueuses ainsi que les produits agricoles et les denrées alimentaires pouvaient bénéficier d’une protection au niveau européen[1]. Désormais, les produits artisanaux et industriels, tels que les boiseries, les bijoux ou les dentelles, pourront bénéficier d’une protection similaire. 

La France, précurseure en la matière, dispose d’un système de protection des IG englobant les produits artisanaux et industriels depuis l’entrée en vigueur de la Loi Hamon du 17 mars 2014[2]. La porcelaine de Limoges, la charentaise de Charente-Périgord ou encore le couteau Laguiole se sont ainsi vu reconnaître une protection sur le territoire français. 

Le règlement, qui confère une protection équivalente au niveau de l’Union européenne, permettra aux producteurs de valoriser leur savoir-faire et de lutter contre les utilisations abusives ou trompeuses à plus grande échelle. 

Quels produits peuvent bénéficier de la protection des IGPAI ? 

Le texte définit les produits artisanaux et industriels comme :

  • « des produits fabriqués soit entièrement à la main, soit à l’aide d’outils manuels ou numériques, soit encore par des moyens mécaniques, pourvu que la contribution manuelle soit une composante importante du produit fini » ; ou
  • « des produits fabriqués de manière normalisée, y compris la production en série et au moyen de machines ». 

En outre, pour bénéficier de la protection des IGPAI, trois conditions doivent être réunies : 

  • Le produit doit être originaire d’un lieu, d’une région ou d’un pays déterminé ;
  • La qualité du produit, sa réputation ou une autre de ses caractéristiques doit essentiellement être attribuable à son origine géographique ;
  • Au moins une des étapes de production du produit doit avoir lieu dans l’aire géographique délimitée[3].

Aussi, seuls les produits répondant à la définition des produits artisanaux et industriels et réunissant les trois conditions précitées peuvent bénéficier de la protection des IGPAI, sous réserve d’avoir fait l’objet d’un enregistrement auprès des autorités compétentes.  

Comment enregistrer une IGPAI ? 

Le demandeur doit, en principe, être un groupement de producteurs, défini comme « toute association principalement composée de producteurs concernés par le même produit »[4].

Le règlement met en place un système d’enregistrement à deux niveaux[5] : 

  • 1ère étape : dépôt de la demande auprès de l’autorité nationale compétente qui examine la demande d’enregistrement et rend sa décision ; 
  • 2ème étape : instruction et, le cas échéant, enregistrement de la demande au niveau européen par l’EUIPO[6], devant lequel l’autorité nationale a déposé la demande d’enregistrement après avoir rendu un avis favorable. 

La demande d’enregistrement est effectuée sur la base d’un cahier des charges et d’un « document unique » comportant des informations telles que la dénomination à protéger, le type de produit et sa description et la définition de l’aire géographique. 

Le règlement prévoit également deux procédures d’opposition, l’une pendant la phase d’enregistrement nationale et l’autre pendant la phase d’enregistrement auprès de l’EUIPO. Dans les deux cas, l’opposant pourra se fonder sur les critères suivants :

  • L’absence de satisfaction de l’IGPAI sollicitée aux exigences de protection posées par le règlement ;
  • Le caractère générique de l’IGPAI sollicitée ;
  • L’existence d’une IGPAI ou d’une demande d’IGPAI identique ou similaire ;
  • L’atteinte à une marque antérieure, à une dénomination identique ou similaire utilisée dans la vie des affaires ou à un produit légalement sur le marché depuis au moins 5 ans.

Une fois l’IGPAI enregistrée, les producteurs qui commercialisent un produit conforme au cahier des charges disposent d’un droit d’utilisation leur permettant d’utiliser la dénomination protégée dans le cadre de la publicité de leurs produits et notamment sur l’étiquetage. 

Quelle protection pour les IGPAI ? 

Le règlement met en place plusieurs niveaux de protection des IGPAI permettant aux producteurs de lutter contre l’usage illicite de ces dernières. 

Les IGPAI sont ainsi protégées contre : 

  • L’utilisation commerciale directe ou indirecte de l’IG pour des produits non couverts par l’enregistrement lorsqu’il existe un risque de confusion ou que son utilisation permet de profiter de la réputation de l’IG, de l’affaiblir, de l’atténuer ou de lui porter préjudice ; 
  • L’usurpation, l’imitation ou l’évocation de la dénomination protégée, y compris via l’utilisation d’expressions telles que « genre », « type », « imitation », etc. ; 
  • L’indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature, ou les qualités essentielles du produit ;
  • Toute autre pratique susceptible d’induire en erreur le consommateur quant à la véritable origine du produit.  

La protection des IGPAI s’applique à toute marchandise entrant sur le territoire de l’Union européenne et à toutes les marchandises peu importe leur canal de distribution (vente physique ou e-commerce). 

Par ailleurs, le règlement prévoit que les IGPAI enregistrées constituent des signes distinctifs opposables à l’enregistrement d’une marque. Elles pourront également être invoquées dans le cadre des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges portant sur les noms de domaine

Le règlement sera pleinement applicable à compter du 1er décembre 2025.  

Lire le règlement 2023/2411 du 18 octobre 2023 relatif à la protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels


[1] Cette protection est accordée par l’intermédiaire des Appellations d’Origine Contrôlée (AOC) et des Appellations d’Origine Protégée (AOP).

[2] Loi 2014-344 du 17 mars 2014 relatif à la consommation. 

[3] Cette dernière condition n’est pas prévue en droit français (article L721-2 du Code de la propriété intellectuelle).

[4] Par exception, le demande d’enregistrement peut être effectuée par un seul producteur, une entité locale ou régionale de l’État-membre d’origine ou plusieurs demandeurs émanant de pays différents (article 8).

[5] Par dérogation, les États-membres peuvent écarter la phase d’enregistrement nationale (article 19).  

[6] Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.

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