Cybersquattage : le seul enregistrement d’un nom de domaine incorporant la marque d’un tiers n’est pas un acte de contrefaçon

La Cour d’appel de Paris a condamné la société qui avait enregistré des noms de domaine comportant la marque d’un tiers sur le fondement de la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale et parasitaire.

Une société commercialisant des produits textiles avait réservé plusieurs noms de domaine qui incorporaient la marque (« la Marque ») d’un tiers. Cette société était l’un des distributeurs des produits de la Marque qu’elle proposait à la vente sur son site Internet. 

Le titulaire de la Marque l’a assignée devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques et concurrence déloyale et parasitaire.

La Cour d’appel a partiellement confirmé la décision de première instance ayant jugé que la société avait commis des actes de contrefaçon et des actes de concurrence déloyale et parasitaire en réservant les noms de domaines litigieux.

L’exploitation d’un nom de domaine incorporant une marque peut constituer un acte de contrefaçon

La contrefaçon de marque est caractérisée lorsqu’un signe identique ou similaire à cette marque est utilisé dans la vie des affaires sans autorisation de son titulaire pour des produits ou des services identiques ou similaires[1]

Pour autant, le seul fait de réserver un nom de domaine comportant un signe ne caractérise pas un usage de ce signe dans la vie des affaires. Pour qu’un tel usage soit caractérisé, le titulaire de la marque doit démontrer une exploitation effective du nom de domaine litigieux. 

En l’espèce, la société avait enregistré de nombreux noms de domaines. Si certains d’entre eux renvoyaient vers un site de e-commerce sur lequel étaient commercialisés les produits de la Marque, d’autres redirigeaient simplement vers les premiers noms de domaines ou étaient inactifs, c’est-à-dire qu’ils ne renvoyaient vers aucun site Internet.

La Cour a alors distingué son analyse selon chaque nom de domaine. Elle a considéré, s’agissant des noms de domaines renvoyant vers le site de e-commerce de leur titulaire, que l’usage dans la vie des affaires et la contrefaçon de marque étaient caractérisés. 

S’agissant des noms de domaine inactifs, la Cour a en revanche jugé qu’en l’absence d’exploitation effective, il n’y avait pas de contrefaçon.

Une telle position ne permet ainsi pas à des titulaires de marques de se prémunir de l’enregistrement et de la détention passive de noms de domaine qui reprendraient leur marque. 

Dans de telles circonstances, les titulaires de marques peuvent toujours saisir l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle d’une plainte UDRP qui n’exige pas nécessairement une exploitation effective du nom de domaine. Le titulaire de la marque pourra toutefois seulement obtenir le transfert ou l’annulation du nom de domaine.

La réservation non autorisée de noms de domaine identiques à un autre nom de domaine peut constituer des actes de concurrence déloyale et de parasitisme

Le titulaire de la Marque considérait que la société avait porté une atteinte à son propre nom de domaine en réservant sans son autorisation des noms de domaine identiques au sien. 

La Cour a relevé que l’internaute était susceptible de croire que le site de la société visé par ses noms de domaine était exploité par le titulaire de la Marque ou par une société qui en dépend, dans la mesure où elle commercialisait sur ce site des produits de la Marque. 

Elle a en conséquence jugé que cette réservation créait un risque de confusion et, partant, constituait un acte de concurrence déloyale.

La Cour a en outre relevé que la réservation et l’exploitation de plusieurs noms de domaine par la société lui permettaient de diriger les internautes cherchant des produits de la Marque vers son propre site et ce faisant de tirer profit, sans bourse délier, des efforts du titulaire.

Elle a donc retenu que les actes de parasitisme étaient également constitués.

La Cour a alors condamné le titulaire des noms de domaine litigieux au paiement de dommages et intérêts ainsi qu’au transfert des noms de domaine au titulaire de la Marque 

Lire l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 mars 2023, RG n°20/11289


[1] Article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

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