Polices de caractères : la contrefaçon n’est pas caractérisée lorsque les éléments protégeables de l’œuvre ne sont que partiellement reproduits 

Le Tribunal judiciaire de Paris a reconnu le caractère original d’une police de caractères, mais a considéré qu’elle n’avait pas été contrefaite, faute de reprise substantielle de ses caractéristiques protégeables.

Un typographe avait créé une police de caractères (l’« Auteur ») commandée par un journal. 

Une agence concurrente avait réalisé une typographie ressemblante, qu’une société diffusait gratuitement, sous licence libre, dans le cadre de son service d’hébergement de polices.

Faisant valoir que cette typographie contrefaisait celle qu’il avait créée, l’Auteur a assigné l’agence et la société (ensemble les « Défendeurs ») devant le Tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale et parasitaire.

Dans un jugement du 31 mars 2023, le Tribunal judiciaire de Paris s’est prononcé sur le caractère original de la typographie et l’appréciation des actes illicites allégués.

Une combinaison de caractéristiques, bien que non inédites, peut établir l’originalité d’une police typographique

La protection d’une œuvre par le droit d’auteur est conditionnée à la démonstration, par son auteur, de son caractère original. 

En ce sens, l’œuvre objet des droits doit porter l’empreinte de la personnalité de son auteur qui se manifeste par des choix libres et arbitraires, et non dictés par des exigences purement techniques. 

Les Défendeurs opposaient l’absence d’originalité de la police de caractères de l’Auteur, estimant notamment que les choix de ce dernier ne résultaient que d’un cahier des charges exigeant une meilleure lisibilité et un gain d’espace.

Le Tribunal a relevé que la police, destinée à être utilisée dans la presse papier, était effectivement soumise à une exigence de lisibilité. Il a toutefois souligné que cette contrainte n’excluait pas toute création, puisqu’il était possible de travailler sur un nombre important de caractéristiques et de variantes.

Il a ainsi considéré que la typographie concernée était le résultat de différents choix non dictés par des exigences purement techniques. Pris isolément, ces choix n’étaient pas inédits, mais pris ensemble, leur combinaison produisait un « aspect particulier ».  

Dès lors, le Tribunal a jugé que cette combinaison reflétait l’empreinte de la personnalité de son auteur, et partant que la typographie était originale.

La contrefaçon s’apprécie au regard des points de ressemblance des caractéristiques protégeables de l’œuvre

Toute représentation ou reproduction totale ou partielle de l’œuvre originale, sans le consentement du titulaire des droits d’auteur, est illicite[1].

Comme le Tribunal l’a rappelé, la contrefaçon s’apprécie par la recherche des points de ressemblance des caractéristiques protégeables de l’œuvre.

Il a alors relevé des similitudes entre les deux polices, mais a considéré qu’elles ne portaient que sur un nombre restreint de caractères de police, et étaient limitées à une partie seulement des caractéristiques originales de la première typographie.

La juridiction a ainsi considéré que la combinaison des caractéristiques originales de la première police ne se retrouvait pas dans la police prétendument contrefaisante.

Dès lors, le Tribunal a jugé qu’aucune contrefaçon ne pouvait être caractérisée.

Le risque de confusion entre deux polices est écarté lorsque les similitudes sont limitées 

À titre subsidiaire, l’Auteur soutenait que les Défendeurs avaient commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en utilisant massivement la police litigieuse.       

Sur la concurrence déloyale, le Tribunal a jugé que les similitudes entre les typographies étaient limitées à un nombre restreint de caractères, et ne suffisaient pas à établir un risque de confusion dans l’esprit de clients moyennement vigilants et attentifs. Partant, il a considéré que l’agence n’avait pas commis d’actes de concurrence déloyale par risque de confusion.

Pour ce qui est du parasitisme, les juges ont relevé que l’agence faisait état de ses propres travaux quant à l’élaboration de la police litigieuse. Ils en ont déduit qu’elle ne s’était pas placée dans le sillage de l’Auteur, ou encore qu’elle aurait profité sans bourse délier des investissements de ce dernier. 

S’agissant de la société qui diffusait la police litigieuse, le Tribunal a relevé qu’elle avait versé la somme de 75 000 dollars pour avoir le droit d’héberger la typographie litigieuse sur son service. Ainsi, il ne pouvait pas lui être reproché d’avoir réalisé des économies d’investissement en utilisant le fruit du travail de l’Auteur, et le parasitisme n’était pas caractérisé.

Jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 31 mars 2023, RG n°20/06208 (non publié)


[1] Article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle

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