La reprise à l’identique de la documentation contractuelle d’un concurrent peut être sanctionnée sur le fondement du parasitisme

Le Tribunal judiciaire de Paris a sanctionné, au titre du parasitisme, une société qui avait copié et repris à son compte les documents contractuels (CGV, CGU, etc.) de l’un de ses concurrents. 

La société LIBRINOVA propose un service d’autoédition littéraire pour lequel elle a rédigé plusieurs documents contractuels, dont des conditions générales de ventes (CGV), des conditions générales d’utilisation (CGU), des conditions générales de service (CGS) et une politique de confidentialité. 

Ayant constaté que la société concurrente YOUSTORY avait repris à l’identique sa documentation contractuelle, et considérant que ces faits portaient atteinte à ses droits d’auteur, elle l’a mise en demeure d’en cesser toute reproduction. 

YOUSTORY, après avoir réfuté les allégations portées dans le courrier, a modifié la documentation contractuelle accessible sur son site internet. 

Insatisfaite de ces modifications, LIBRINOVA a assigné YOUSTORY devant le Tribunal judiciaire de Paris à titre principal en contrefaçon de droit d’auteur et à titre subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire. 

Dans un jugement du 15 avril 2022, le Tribunal judiciaire de Paris a rejeté ses demandes fondées sur la contrefaçon de droit d’auteur et la concurrence déloyale. En revanche, il a considéré que la copie servile de sa documentation contractuelle était fautive et constitutive de parasitisme. 

Pas de protection par le droit d’auteur sans originalité

Pour fonder son action en contrefaçon de droit d’auteur, LIBRINOVA affirmait que sa documentation contractuelle était originale. Selon elle, cette originalité se déduisait du simple fait que YOUSTORY avait copié la structure des contrats et la rédaction de certaines clauses. 

Le Tribunal ne s’est pas satisfait de cette affirmation. Il a rappelé que la protection d’une œuvre par le droit d’auteur suppose que son auteur explicite les critères qui fondent son originalité et notamment les éléments qui traduisent l’empreinte de sa personnalité. Cette démonstration est notamment nécessaire pour permettre au défendeur de contester les éléments caractéristiques de l’originalité et donc la protection revendiquée. 

En l’espèce, la seule comparaison des deux corpus contractuels ne pouvait suffire à établir l’originalité revendiquée par LIBRINOVA. En l’absence d’éléments traduisant l’originalité de chacun des documents, le Tribunal a jugé que les contrats ne pouvaient pas bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur et a débouté LIBRINOVA de ses demandes de ce chef. 

Pas de concurrence déloyale sans risque de confusion

À titre subsidiaire, LIBRINOVA soutenait que la reprise des termes « Maison d’auto-édition » sur le site Internet de YOUSTORY et l’appropriation par cette dernière de ses documents contractuels constituait un acte de concurrence déloyale.

Le Tribunal a rappelé que la concurrence déloyale est caractérisée lorsque la reproduction d’un signe, d’un produit ou d’un service crée un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. Ce risque est constitué si le consommateur peut croire que les produits et/ou services émanent de la même société ou de sociétés économiquement liées. 

S’agissant de la reprise des termes « Maison d’auto-édition », les juges ont relevé qu’ils n’étaient « pas appropriables car banals à l’instar des termes ‘Maison d’édition’ ». En outre, ils ont également noté que les dénominations sociales des parties étaient systématiquement juxtaposées aux termes litigieux, de manière visuellement dominante. Le Tribunal en a conclu qu’il n’existait aucun risque de confusion de ce chef, d’autant plus qu’il existait une grande différence visuelle et phonétique entre les dénominations des deux sociétés. 

S’agissant de la documentation contractuelle, le Tribunal a noté que LIBRINOVA ne démontrait pas l’existence d’un risque de confusion entre les documentations contractuelles des deux parties. Selon lui, « la seule identité alléguée » par LIBRINOVA entre les documents ne suffisait pas à établir ce risque de confusion. 

En conséquence, le Tribunal a rejeté les demandes de LIBRINOVA au titre de la concurrence déloyale. 

Pas de parasitisme sans démonstration de l’investissement réalisé

La société LIBRINOVA entendait, toujours à titre subsidiaire, obtenir la condamnation de YOUSTORY sur le fondement du parasitisme. 

Le parasitisme consiste à tirer indûment profit du savoir-faire et des efforts intellectuels et financiers consentis par autrui alors qu’ils sont source d’une valeur économique individualisée et d’un avantage concurrentiel. Le succès de la prétention du demandeur dépend ainsi de sa capacité à prouver les efforts humains et financiers qu’il a déployés pour créer la valeur objet de l’atteinte.

En l’espèce, LIBRINOVA justifiait des investissements financiers réalisés pour l’élaboration de sa documentation contractuelle, dont le montant correspondait aux honoraires du cabinet d’avocat mandaté pour sa rédaction. 

À l’inverse, YOUSTORY n’établissait pas avoir particulièrement investi dans l’élaboration de sa documentation contractuelle. 

Le Tribunal en a conclu que la reprise des documents de LIBRINOVA avait permis à YOUSTORY de profiter, sans bourse délier, des investissements consentis par celle-ci. 

Dès lors, il a condamné YOUSTORY au titre du parasitisme au paiement de dommages et intérêts dont le montant équivalait aux honoraires d’avocat versés par LIBRINOVA pour l’élaboration de sa documentation. 

Que retenir de ce jugement ?

L’appropriation de la documentation contractuelle d’autrui peut être sanctionnée sur différents fondements :

  • La contrefaçon de droit d’auteur, à condition de démontrer l’originalité des contrats ;
  • La concurrence déloyale, sous réserve qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle quant à l’origine des produits et/ou services en cause ; ou encore
  • Le parasitisme, si le demandeur justifie avoir investi pour leur rédaction et si le défendeur ne démontre pas, à l’inverse, de tels investissements. 

Jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 15 avril 2022 RG n° 20/10563 (non publié)

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