Cession à titre gratuit de droits de propriété intellectuelle : la Cour d’appel de Paris confirme que l’acte est nul s’il n’est pas notarié

Par un arrêt du 13 mars 2024, la Cour d’appel de Paris a jugé qu’une cession gratuite de droits de propriété intellectuelle est une donation qui doit être passée devant notaire. 

Deux personnes (le ou les « Cotitulaires ») ont déposé une marque de l’Union européenne et des dessins et modèles communautaires (les « Droits de propriété intellectuelle »).

Ces Droits de propriété intellectuelle étaient exploités par une société (la « Société ») dont l’un des Cotitulaires était l’associé et gérant unique (l’« Associé gérant »).

Après plusieurs années d’exploitation, les Droits de propriété intellectuelle avaient été cédés par acte sous seing privé et à titre gratuit au bénéfice de la Société.

L’un des Cotitulaires a alors assigné l’Associé gérant et la Société en nullité de la cession intervenue ainsi qu’en contrefaçon.

Dans l’arrêt commenté, la Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance et admis la nullité de la cession à titre gratuit des Droits de propriété intellectuelle au profit de la Société, sur le fondement de la disposition du Code civil relative à la donation.

Le Code civil dispose que tous les actes portant donation entre vifs doivent être passés devant notaire, dans la forme ordinaire des contrats, sous peine de nullité[1].

En l’espèce, la Cour devait apprécier la possible qualification de la cession en donation pour conclure ou non à l’application de ce formalisme.

Observant les clauses de la cession litigieuse, la Cour a relevé qu’aucune stipulation ne permettait d’exclure la qualification de donation dès lors qu’aucune contrepartie n’était clairement évoquée à la charge du cessionnaire.

En outre, les juges ont confirmé le jugement de première instance en considérant que les exceptions jurisprudentielles au formalisme de l’acte authentique devant notaire ne pouvaient bénéficier à une cession de droits de propriété intellectuelle stipulée à titre gratuit. Ils ont jugé que l’objet de l’acte litigieux était insusceptible de remise physique (non-bénéfice de l’exception relative au don manuel) et que son caractère gratuit était non dissimulé (non-bénéfice de l’exception relative aux donations déguisées ou indirectes). 

Les juges ont également rappelé qu’il est indifférent que l’acte ait profité à une personne morale, dès lors que le Code civil prévoit que toute personne peut disposer par donation entre vifs ou par testament[2], ce qui inclut les personnes morales[3].

En outre, les juges du fond ont considéré que le Code de la propriété intellectuelle, qui exige qu’une cession des droits attachés à la marque soit constatée par écrit à peine de nullité[4] et qui n’envisage pas le cas où la cession serait à titre gratuit, n’énonçait aucune règle spéciale dérogeant à la disposition du Code civil relative à la donation.

La cession litigieuse à titre gratuit, assimilée par les juges à une donation, aurait en conséquence dû être passée devant notaire. À défaut du respect de ce formalisme, la Cour a confirmé le jugement de première instance qui avait annulé la cession. 

Il est donc recommandé, pour éviter la requalification de la cession en donation, de prévoir une contrepartie réelle à cette cession, fixée au regard de la valeur véritable de l’actif immatériel cédé. 

À défaut, les cocontractants doivent s’astreindre à respecter le formalisme de l’acte notarié pour éliminer tout risque d’annulation de la donation. 

Lire l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 mars 2024, n°22/05440

Lire notre analyse du jugement de première instance rendu dans cette même affaire


[1] Article 931 du Code civil.

[2] Article 902 du Code civil.

[3] Cass. com., 7 mai 2019, n°17-15261.

[4] Article L.714-1 al. 7 du Code de la propriété intellectuelle.

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