Les obligations fiscales des entreprises au titre de leur assujettissement à la TVA représentent un coût élevé, et sont un frein majeur à leur développement à l’international. La Commission européenne a pris conscience de ces difficultés pour les opérateurs communautaires. Par ailleurs, le phénomène a pris une nouvelle ampleur avec le développement des nouvelles technologies et leur impact en matière de TVA, tant au titre de la TVA due à raison des prestations qui s’appuient sur ces techniques, qu’au regard des moyens que ces systèmes offrent pour l’accomplissement des formalités fiscales. Dès lors, et même si elle n’a pas atteint une réelle harmonisation en la matière, la Commission a néanmoins adopté un ensemble de mesures de lutte contre les distorsions de concurrence, et développe actuellement de nouvelles stratégies dont les grandes orientations sont la simplification des obligations des entreprises et le nécessaire renforcement de la coopération administrative entre les Etats de l’Union Européenne.
1. INVENTAIRE DES NOUVELLES MESURES
1.1 Mesures en faveur des prestations de services fournis par voie électronique
a. Définition des prestations de services fournies par voie électronique
Directive 2002/38/CE du 7 mai 2002 ; Loi de finances rectificative pour 2002 ; Articles 259 B (modifié) et 259 C (modifié) du CGI ; Décrets des 7 et 18 juillet 2003 ; Instruction du 8 septembre 2003, 3-A-3-03.
La transposition récente de la directive de 2002 a donné une définition des prestations de services fournis par voie électronique : il s’agit des services fournis par voie d’internet ou de réseaux électroniques, pour lesquels le service est largement automatisé et impossible à assurer en l’absence de réseau informatique.
La directive, et sa transposition, donnent ainsi une liste des prestations de services concernées. Il s’agit notamment des services suivants :
– hébergement de sites informatiques et maintenance à distance de programmes et d’équipements,
– fourniture de logiciels et mise à jour de ceux-ci,
– fourniture d’informations et mise à disposition de bases de données…
La livraison matérielle de biens commandés par internet n’entre pas dans le champ de ces prestations électroniques.
b. Règles de territorialité
Directive 2002/38/CE du 7 mai 2002 ; Loi de finances rectificative pour 2002 ; Articles 259 D (nouveau) et 298 sexdecies F (nouveau) du CGI ; Décrets des 7 et 18 juillet 2003 ; Instruction du 8 septembre 2003, 3-A-3-03.
La transposition récente de la directive de 2002 a également fixé les règles de territorialité applicables en matière de TVA aux prestations de services fournies par voie électronique.
Pour les prestataires établis dans un Etat membre de la Communauté européenne, les nouvelles règles applicables sont celles relatives aux prestations immatérielles :
– les services fournis en B2B dans l’UE supportent la TVA dans l’Etat du client (auto-liquidation);
– les services fournis en B2C dans l’UE sont taxés dans l’Etat du fournisseur ;
– les services fournis à un client établi hors de l’UE ne subissent pas la TVA dans l’UE.
Quant aux prestataires établis en dehors de la Communauté européenne, les services qu’ils fournissent à des clients établis ou domiciliés dans la Communauté doivent supporter la TVA en Europe.
c. Création du portail européen
Pour ces prestataires établis hors de la Communauté européenne, le régime de droit commun prévoit en principe l’obligation de désigner un représentant fiscal chargé d’accomplir, au nom du prestataire étranger, les formalités fiscales de celui-ci dans chacun des Etats membres dans lesquels le prestataire facture de la TVA sur les services qu’il fournit (on parle de ‘’TVA collectée’’) : enregistrement, obligations déclaratives, paiement de la TVA…
Cependant, la France a transposé, dans la LDFR 2002, le régime spécial prévu par la directive (article 298 sexdecies F du CGI), qui permet de s’exonérer de cette obligation grâce au recours au portail électronique.
Le prestataire étranger de services fournis par voie électronique peut alors, s’il remplit certaines conditions, s’identifier, déclarer ses prestations et s’acquitter des taxes dues à ce titre dans les différents Etats membres de consommation des prestations, auprès de l’administration d’un seul Etat membre. Toutes les formalités doivent alors être effectuées par voie électronique.
1.2 Mesures de simplification
a. Règles de facturation
Directive 2001/115/CE du 20 décembre 2001 ; Loi de finances rectificative pour 2002 ; Décrets des 7 et 18 juillet 2003 ; Arrêté du 18 juillet 2003 ; Instruction spéciale 3 CA n° 136 du 7 août 2003.
Les règles de facturation ont été aménagées à plusieurs niveaux.
(i) Présentation des règles
Tout d’abord, en ce qui concerne les personnes tenues de délivrer des factures, la directive transposée généralise la possibilité pour les entreprises de déléguer la facturation de leurs opérations (Art. 289-I-2 du CGI), soit à des tiers (sous-traitance de facturation), soit aux clients eux-mêmes (auto-facturation).
Ensuite, le principe de la facturation dès la réalisation des opérations est assoupli, pour autoriser les assujettis à procéder à la facturation périodique des opérations réalisées au profit d’un même client au cours du même mois civil (Art. 289-I-3 du CGI).
Quant aux mentions à porter sur les factures, la LDFR ajoute deux nouvelles mentions à faire figurer sur les factures : le numéro d’identification à la TVA de l’assujetti, et la référence de la disposition communautaire ou interne justifiant l’application éventuelle d’une exonération, d’une auto-liquidation ou d’un régime spécial.
(ii) Conservation des factures
Par ailleurs, le nouvel article L. 102 C du LPF organise les modalités de conservation des factures émises et reçues par les entreprises.
En principe, les factures établies sur support papier doivent être stockées sur le territoire français, dans un lieu déclaré et immédiatement accessible ; elles doivent ainsi être conservées pendant la durée du droit de communication de l’administration fiscale, soit six ans.
Les factures électroniques, elles, doivent être conservées en France ou alors dans un pays assurant, sur la base d’une convention spéciale, un accès en ligne, permettant le téléchargement et l’utilisation de l’ensemble des données stockées.
En pratique, seuls les Etats membres de la Communauté européenne remplissent les conditions requises. L’administration doit alors être informée par courrier ou courriel du lieu de stockage des factures et des périodes sur lesquelles celles-ci portent, et pouvoir avoir un accès immédiat, complet et en ligne aux factures conservées par voie électronique. Les factures électroniques doivent alors être conservées sous ce format au moins pendant les trois premières années (durée du délai de reprise de l’administration), puis sur tout support pendant les trois années suivantes.
b. Facturation électronique
Directive 2001/115/CE du 20 décembre 2001 ; Loi de finances rectificative pour 2002 ; Décrets des 7 et 18 juillet 2003 ; Arrêté du 18 juillet 2003 ; Instruction spéciale 3 CA n° 136 du 7 août 2003.
Quant à l’émission de factures électroniques, les articles 289 et 289 bis du CGI admettent la validité de deux modes de facturation électronique : la facture électronique sécurisée et la facture dématérialisée.
Dans un cas comme dans l’autre, plusieurs conditions sont requises :
– le client doit accepter expressément de recevoir les factures de son fournisseur par voie électronique ;
– le fournisseur doit informer l’administration qu’il recourt à un mode de facturation électronique ;
– la facture électronique doit pouvoir être restituée en langage clair, c’est-à-dire dans un format habituellement admis par les usages commerciaux.
Si ces exigences sont respectées, l’Etat membre concerné ne peut exiger l’émission additionnelle d’une « facture papier ».
Le CGI précise alors les modalités de facturation par voie électronique.
La facture électronique sécurisée se définit comme la facture dont l’authenticité et l’intégrité sont garanties par une signature électronique propre à l’émetteur de la facture, basée sur un certificat électronique qualifié délivré par un prestataire de services de qualification et transmise au destinataire de la facture. A ce titre, la facture doit être conservée avec la signature et le certificat électroniques qui s’y rapportent.
La facture dématérialisée, quant à elle, consiste en un message structuré selon une norme convenue entre les parties, permettant une lecture par ordinateur et pouvant être traité automatiquement et de manière univoque ; son authenticité et son intégrité sont garanties par un échange de données informatisées (EDI), selon un système de télétransmission répondant à des normes communautaires.
c. Suppression de la représentation fiscale dans l’Union européenne
Directive 2000/65/CE du 17 octobre 2000 ; Loi de finances rectificative pour 2001 ; Articles 258 D et 289 A (modifiés) du CGI ; Décret du 8 janvier 2002 ; Art. 95-I (nouveau) de l’annexe III au CGI ; Instruction 3-A-1-02 du 4 février 2002.
L’obligation de désigner un représentant fiscal chargé d’accomplir toutes les formalités fiscales des entreprises communautaires au titre des opérations que ces dernières réalisaient dans les autres Etats membres représentait une charge très lourde et donc un obstacle aux libertés communautaires, dans la mesure où la rémunération de ces représentants était très élevée, à raison de leur responsabilité personnelle vis-à-vis des administrations fiscales nationales auprès desquelles ils intervenaient.
La directive du 17 octobre 2000 vise à restaurer la concurrence dans le Marché intérieur, en supprimant l’obligation de désigner un tel représentant fiscal au sein de l’UE.
Cependant, la transposition française de la directive ne reprend pas les options ouvertes par le texte communautaire, et qui auraient permis aux prestataires communautaires d’accomplir leurs obligations par voie d’auto-liquidation.
Désormais, les prestataires communautaires réalisant des opérations au profit de clients établis en France ont le choix entre :
– assurer personnellement, suivant les procédures traditionnelles (mais la possibilité de télé-déclarer ne leur est pas ouverte), leurs obligations fiscales auprès de l’administration française (identification, déclaration, paiement de la TVA), ou
– désigner un mandataire fiscal qui agira sous la responsabilité de l’entreprise étrangère (et non pas en son nom propre, comme le faisait le représentant fiscal).
2. ORIENTATIONS ET STRATEGIES DE LA COMMISSION EUROPEENNE
2.1 Développement des mesures de simplification
a. Généralisation du mécanisme d’auto-liquidation
Applicable dans les opérations de B2B, ce mécanisme permet de désigner le client comme redevable de la TVA : c’est lui qui acquitte la taxe due, ce qui dispense le fournisseur d’accomplir ses obligations fiscales dans l’Etat membre de situation du client.
b. Mise en place du système du guichet unique
La Commission européenne a récemment lancé une consultation relative à l’institution de ce système, au bénéfice de l’ensemble des entreprises communautaires exerçant leurs activités au profit de clients (B2C) établis dans d’autres Etats membres.
Dans les opérations de B2C, il s’agit de créer un lieu d’enregistrement unique, dans l’Etat membre d’établissement du prestataire, de façon à ce qu’il ne s’adresse plus qu’à son administration fiscale pour l’ensemble des obligations qui lui incombent, en matière de TVA, à raison des livraisons et prestations qu’il réalise à destination de particuliers établis dans les différents Etats membres.
Le guichet unique reprendrait alors les traits du portail européen, mais pour l’étendre à l’ensemble des fournisseurs et prestataires, et non plus seulement le réserver aux prestataires de services fournis par voie électronique.
c. Modalités de déduction transfrontalière de TVA
Une proposition de directive vise à remplacer la lourde procédure actuellement applicable aux entreprises communautaires exerçant des activités transfrontalières, pour le remboursement de la TVA acquittée dans les autres Etats membres que leur Etat d’établissement (procédure instituée par la directive du 27 décembre 1979).
Cette procédure implique en effet des formalités particulièrement lourdes et des difficultés de trésorerie pour les entreprises concernées :
– l’entreprise doit d’abord déposer, auprès de l’administration de chacun des Etats membres auprès desquels elle sollicite un remboursement de TVA, une demande de remboursement accompagnée des justificatifs nécessaires ;
– puis, chaque administration nationale examine la demande ;
– les Etats membres doivent alors répondre à l’entreprise, et éventuellement procéder au remboursement, dans un délai maximum de six mois à compter du dépôt de la demande.
L’objet de la proposition actuellement en cours d’examen est de permettre aux fournisseurs établis dans l’Union européenne de déduire immédiatement dans leur Etat membre d’établissement la TVA ayant grevé les dépenses qu’ils ont exposées dans les autres Etats membres de l’Union pour la réalisation de leurs opérations dans ces autres Etats membres.
2.1 Lutte contre la fraude à la TVA
a. Schéma de carrousel de TVA
La fraude de type « carrousel » (ou fraude tournante) consiste à effectuer des opérations transfrontalières répétées d’achat et de vente impliquant toute une série de sociétés qui se succèdent rapidement (d’où l’image du carrousel). En raison de la dimension transfrontalière de l’opération, une des sociétés du carrousel disparaît sans avoir acquitté la TVA.
La fraude tournante ou carrousel représente des pertes considérables pour les caisses de l’Etat. L’administration fiscale n’hésite donc pas à notifier des rappels de TVA et des pénalités très importants dès qu’elle soupçonne l’existence d’une telle fraude (laquelle est également passible de poursuites pénales).
b. Développement de la coopération administrative
Plusieurs moyens de lutte contre la fraude à la TVA, basés sur la coopération entre les administrations fiscales nationales des Etats membres, ont vu le jour.
Une directive du 15 juin 2001 a ainsi cherché à améliorer l’assistance mutuelle au recouvrement des créances fiscales, en organisant la procédure à suivre entre les Etats membres.
Le nouveau programme Fiscalis 2003-2007 de lutte contre la fraude repose notamment sur des systèmes électroniques améliorés pour l’échange d’informations entre administrations nationales, sur des séminaires de formation des agents de l’administration fiscale et sur des échanges de fonctionnaires entre les Etats membres.
On peut encore évoquer le règlement du 7 octobre 2003 relatif à la coopération administrative en matière de TVA. Il organise des contacts plus directs entre fonctionnaires d’Etats membres différents et les procédures à suivre en matière d’échanges d’informations entre administrations nationales.
Enfin, il est projeté de réviser le système VIES (système informatisé de recoupement des informations concernant les échanges intra-communautaires de biens), créé en 1993, notamment pour l’étendre aux prestations de services.
2.2 Lutte contre les phénomènes de double imposition
Face à des situations de double imposition à la TVA de certaines entreprises (taxation dans deux Etats membres, mais refus de la déductibilité de la taxe acquittée dans un des deux Etats), la Commission cherche à adapter à la TVA les mécanismes de lutte contre la double imposition qui existent en matière d’impôts directs : conventions fiscales bilatérales de lutte contre la double imposition, procédure amiable entre les Etats, convention d’arbitrage ….