Le projet « Loppsi 2 » devrait être adopté d’ici la fin de l’année.Son objectif ? Lutter contre la délinquance sous toutes ses formes. Deux volets intéressent de près les propriétaires et sont passés inaperçus ou presque : la transmission aux services de police d’images de vidéosurveillance d’immeubles et la répression du squat.
Propos recueillis par Marianne Bertrand pour le Particulier Immo
Le projet Loppsi 2 prévoit la faculté, pour le préfet, de demander aux syndics la transmission à la police des images de vidéosurveillance d’immeubles. Nombre de copropriétaires ignorent l’existence d’une telle mesure dans le projet de loi.
CF-S : La transmission aux services de police d’images de vidéosurveillance en vue de la protection des parties communes d’immeubles n’est pas véritablement une nouveauté. Le législateur avait souhaité le mettre en œuvre en mars dernier [NDLR : art. 5 de la loi n° 2010-201 du 2.3.10]. Mais l’article en question avait subi la censure du Conseil constitutionnel pour insuffisances de garanties au regard de la protection de la vie privée des résidents, ainsi que des tiers susceptibles de se rendre dans les immeubles concernés. C’est en tenant compte de ces exigences que le projet Loppsi 2 a prévu un nouveau régime, plus encadré [NDLR : art. 17 quater modifiant l’art. L. 126-1-1 du Code de la construction et de l’habitation]. La transmission des images, censée être limitée dans le temps et exclure les entrées des habitations privées ainsi que la voie publique, nécessite des « circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes ». Un accord préalable des copropriétaires à la « majorité qualifiée » est désormais requis. Les résidents et les riverains doivent être informés par affichage de la présence du système de vidéosurveillance. La transmission, enfin, doit s’effectuer dans le cadre d’une convention préalable signée entre le gestionnaire de l’immeuble – il va s’agir généralement du syndic – et la préfecture, avant d’être communiquée à une commission en charge au plan départemental de la vidéoprotection, dotée d’un pouvoir de contrôle réglementaire.
Les garanties requises en matière de transmission des images de vidéoprotection restent, pour certaines d’entre elles, floues. Aucun décret d’application n’étant prévu pour les expliciter, le nouveau dispositif constitue-t-il un garde-fou suffisant au regard du respect de la liberté individuelle ?
CF-S : Le recours à des dispositifs de vidéosurveillance au sein d’une copropriété pose en effet le problème crucial du respect de la vie privée. A fortiori lorsqu’il s’agit de transmettre les images à la police. Le dispositif prévu par le projet Loppsi 2 va certainement générer des contentieux, et par là même de la jurisprudence qui apportera des précisions. La création d’une commission nationale de vidéoprotection (CNV) suscite des interrogations sur l’articulation de ses missions avec celles de la Cnil [NDLR : Commission nationale de l’informatique et des libertés], acteur incontournable de la vidéosurveillance, notamment en cas de recours à des systèmes de vidéosurveillance dans les entreprises. L’avis de la commission de vidéoprotection sera ainsi requis en cas d’autorisation préfectorale préalable, elle-même nécessaire en cas d’exploitation d’un système de sécurité par une société privée. Pour autant, la Cnil devrait conserver un rôle de supervision. Il faut noter que le projet Loppsi 2 a prévu la création d’une seconde autorité, le conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Son rôle ? Réguler et contrôler le secteur de la sécurité privée. L’avenir démontrera l’efficacité réelle de ce conseil et l’articulation entre ces différents acteurs de la vidéoprotection.
Un autre volet du projet Loppsi 2 se rapporte au squat. Sa répression, renforcée, conforte une mesure d’exception existante, à savoir la possibilité d’expulser sans passer par le juge. En quoi le propriétaire victime d’une occupation illicite va-t-il être plus efficacement protégé ?
CF-S : Pour le propriétaire victime d’un squat, il est d’ores et déjà possible de demander au préfet de mettre en demeure l’occupant sans droit ni titre de quitter les lieux [NDLR : art. 38 de la loi n° 2007-290 du 5.3.07, dite loi « Dalo »]. Cette procédure simplifiée, qui s’affranchit du recours à un juge, suppose que le propriétaire ait porté plainte, ait apporté la preuve que le logement constitue sa propriété et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire. Surtout, il faut qu’il y ait eu « introduction et maintien dans le domicile d’autrui à l’aides de manœuvres, voies de fait ou contrainte », constitutifs d’un délit, au sens de l’article 226-4 du Code pénal. Dans le projet Loppsi 2, cette procédure simplifiée pourrait être étendu à la « simple occupation sans autorisation » [NDLR : art. 32 ter A, amendement CL6]. Cette nouvelle disposition, si elle est adoptée, a vocation à faciliter les démarches des propriétaires pour obtenir des expulsions rapides.
Une loi fourre-tout
« Loppsi* 2 », c’est le sigle du projet de loi « d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ». Référence à une précédente loi « Lopsi » du 29.8.02, à l’intitulé identique, excepté le terme de « performance ». Ce nouveau texte, fixant les orientations stratégiques des forces de police jusqu’en 2013, est une loi fourre-tout. 46 articles seulement, mais qui touchent à des domaines disparates. Vidéosurveillance – rebaptisée vidéoprotection – des immeubles et squat sont abordés aux côtés de la lutte contre la cybercriminalité – le plus gros volet -, la délinquance routière, le couvre-feu pour les mineurs, les empreintes génétiques, ou encore les nouveaux pouvoirs d’enquête des forces de police. Le projet de loi va être examiné en seconde lecture à l’Assemblée nationale à partir du 22 novembre. Adoption définitive, fin décembre… à moins d’une censure du Conseil constitutionnel.