L’arrêt Nikon a énoncé le principe de l’interdiction faite à l’employeur de prendre connaissance des messages personnels émis et reçus par ses employés : « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Cass., 2 octobre 2001). Dans cette affaire, l’employeur avait découvert que son employé entretenait une activité parallèle qu’il développait pendant ses heures de travail et à partir de son poste informatique mis à sa disposition par l’entreprise qui l’employait. Les éléments de preuve collectés dans la messagerie de l’employé ont été obtenus, selon les juges, de façon illicite et, à ce titre, ont été écartés des débats.
Cependant, depuis cette décision, l’argument de la violation du secret de la correspondance privée a pu être écarté à plusieurs reprises, notamment par la cour d’appel de Besançon qui a constaté que l’employeur n’avait pas directement accédé aux fichiers en cause (à caractère pornographique), leur ouverture et leur lecture ayant été effectuées par un expert judiciaire missionné par le conseil de prud’hommes en présence des parties ou de leurs conseils (CA Besançon, 24 septembre 2004).
Par ailleurs, la Commission Nationale Informatique et Libertés a précisé qu’il « doit être généralement considéré qu’un message envoyé ou reçu depuis le poste du travail mis à disposition par l’entreprise ou l’administration revêt un caractère professionnel, sauf indication manifeste dans l’objet du message ou dans le nom du répertoire où il pourrait avoir été archivé par son destinataire qui lui conférerait alors le caractère et la nature d’une correspondance privée protégée par le secret des correspondances » (Cnil, Guide pratique pour les employeurs).
Dans cette logique, on pourrait considérer que dès lors que l’objet d’un message indique le caractère privé de ce dernier, l’employeur ne peut en principe ouvrir ce message afin d’en lire le contenu. Mais cette solution se heurte à une jurisprudence qui considère que la règle de l’inviolabilité de la correspondance privée s’applique en toutes circonstances, même lorsque l’objet du message n’est pas explicite, à charge pour l’employeur de vérifier les éléments susceptibles de conférer audit message un caractère manifestement personnel (tel serait le cas d’un message dont l’objet concerne les vacances et qui est classé dans un dossier portant la mention « personnel ») (CA Toulouse, 6 févr. 2003).
Aussi une autre solution consiste à recourir à l’insertion de dispositions spécifiques dans la charte relative à l’utilisation des outils informatiques. A titre d’exemple, on peut citer ce jugement du 15 septembre 2005 du Conseil des prud’hommes de Nanterre. Dans cette affaire, un salarié, qui faisait parvenir de nombreux messages à une société concurrente, avait été licencié pour faute grave. Les conseillers ont considéré que, bien que comportant la mention « message strictement privé et confidentiel », il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande du requérant qui sollicitait la déclaration d’un licenciement privé de cause réelle et sérieuse, au motif que la « charte des moyens de communication », mis en place au sein de l’entreprise, complément du règlement intérieur, précisait que « les messages à caractère privé doivent porter la mention PRV ». De ce fait, l’employeur était libre de prendre connaissance de tout message ne comportant pas une telle mention.