L’archivage est désormais une préoccupation de premier plan pour un gestionnaire.
Lorsque ce gestionnaire est l’Etat, la conservation des archives constitue un enjeu particulier. A cet égard, le législateur parle d’intérêt public (1) et fait des archives, la matière première de la gestion des services étatiques. C’est dire l’importance de l’archivage public.
Plus précisément, les archives publiques (2) sont les documents qui procèdent de l’activité de l’Etat, et notamment des entreprises publiques, ou des organismes de droit privé chargés de la gestion de services publics. Si ces documents sont conservés dans un but seulement informatif, ils ne font l’objet d’aucune contrainte juridique. En revanche, lorsqu’ils le sont dans un but probatoire, la problématique est différente.
En pratique l’archivage a souvent une finalité juridique et est donc étroitement lié à la valeur juridique conférée aux documents eux-mêmes. En d’autres termes, le document archivé devra avoir une valeur juridique dès son établissement et l’archivage doit avoir pour principale préoccupation et fonction de garantir le maintien de cette valeur juridique.
Il importe à ce titre de rappeler que le juge administratif accorde une valeur juridique aux documents archivés à certaines conditions cumulatives : (i) l’acte doit être intelligible par lui ; (ii) l’auteur du document électronique doit pouvoir être identifié (garantie de la compétence juridique de l’auteur de l’acte), (iii) le document doit avoir été établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (toute altération ou modification du document doit être détectable, à défaut le juge pourra douter de la fiabilité de l’écrit électronique et donc de sa valeur juridique, que ce soit à titre de preuve ou de légalité).
De la même façon, en matière civile, la loi prévoit qu’il est possible de présenter, à titre de commencement de preuve par écrit, une copie qui soit une reproduction fidèle et durable de l’original (C.civ., art. 1348, al. 2). La reproduction doit être indélébile et entraîner une modification irréversible du support. Il convient donc de démontrer au juge que le support présenté remplit les critères de fiabilité énoncés ci-dessus, c’est-à-dire que les méthodes d’enregistrement permettent la restitution du message, sans altération, dans son format d’origine.
Compte tenu des conditions énoncées, les supports magnétiques sont à exclure puisqu’ils sont, par nature, réinscriptibles. Pour ce qui concerne le disque optique numérique, option retenue le plus souvent, on peut sans doute considérer qu’il offre les garanties requises. En effet, s’agissant d’une perforation au laser (numérisation à l’aide d’un scanner puis mémorisation des données sur le disque), l’enregistrement entraîne une modification irréversible du support. Mais, dans la mesure où il est possible de copier et de modifier les données gravées sur le disque numérique puis de les mémoriser sur un autre disque optique, on peut imaginer deux éditions papier différentes. Il peut donc être difficile d’identifier la copie fidèle de l’original. Consciente de cette faiblesse, l’AFNOR a travaillé sur l’identification de l’œuvre numérique, en visant l’élaboration d’un algorithme associé à l’image numérique du document, lequel constituerait un moyen de détecter de façon logique toute falsification. Ses travaux ont abouti, le 12 février 1999, à la publication de la norme NF Z42-01368 qui énonce les prescriptions permettant de produire, stocker et restituer les documents électroniques avec toutes les garanties d’intégrité et de fidélité par rapport aux documents d’origine.
La durée de conservation des éléments de preuve peut varier, sauf prescription plus courte, de dix ans en matière commerciale (C. com., art. L.110-4) à trente ans en matière civile (C. civ., art. 2262). Cette conservation peut être imposée par la loi et/ou les règlements, par exemple, les documents comptables et pièces justificatives (10 ans) (C. com., art. L.123-22), ou les livres, registres et pièces sur lesquels peut s’exercer le droit de communication, d’enquête et de contrôle de l’administration fiscale (jusqu’à 6 ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée ou de la date à laquelle le document a été établi) (Livre des procédures fiscales, art. L. 102 B).
Il convient donc de se préoccuper de la durée prévisible du support mais également des logiciels, matériels et autres éléments associés qui en permettront la lecture. Sans doute, la durée de la garantie du support constitue-t-elle un premier critère. Une garantie de 30 ans pour le disque optique numérique peut s’avérer satisfaisante au regard des délais de prescription et donc au regard de la durée de conservation imposée par les textes. Mais qui peut garantir que l’intéressé disposera bien, au moment voulu, des interfaces matérielles et logicielles requises pour accéder à la lecture du support ?
Dans une délibération 2005-213 du 11 octobre 2005, la CNIL énonce plusieurs recommandations à l’attention des entreprises dans le cadre de leurs procédures d’archivage et s’appliquant aux archives. Elle opère tout d’abord une distinction entre les différentes archives :
Courantes : c’est-à-dire les données d’utilisation courante par les services concernés dans les entreprises (ex : données concernant un client dans le cadre de l’exécution d’un contrat) ;
Intermédiaires : les données présentant encore un intérêt administratif pour les services concernés, par exemple en cas de contentieux, et dont les durées de conservation sont fixées par les règles de prescription applicables ;
Définitives : les données présentant un intérêt historique, scientifique ou statistique justifiant qu’elles ne fassent l’objet d’aucune destruction.
Le respect du « droit à l’oubli » exige la mise en place de procédures de gestion de durées de conservation distinctes selon les catégories de données, et de procédures de purges ou de destructions sélective de données. Le droit d’accès doit pouvoir s’appliquer aux archives courantes et intermédiaires. La CNIL préconise également l’anonymisation en cas de conservation d’archives définitives, en particulier si des données sensibles sont concernées.
S’agissant des archives intermédiaires, l’accès doit être limité à un service spécifique avec au minimum, un isolement des données archivées au moyen d’une séparation logique (gestion des droits d’accès). S’agissant des archives définitives, les données doivent être conservées sur un support indépendant, non accessible par les systèmes de production, n’autorisant qu’un accès distinct, ponctuel et précisément motivé auprès d’un service spécifique seul habilité à consulter ce type d’archives. Enfin, les entreprises doivent mettre en oeuvre (i) des dispositifs sécurisés lors des changements de support de stockage des données archivées, afin d’en garantir l’intégrité et (ii) des dispositifs de traçabilité des consultations des données archivées.
Enfin, dans le cadre de la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978, lorsque l’archivage concerne des données personnelles, il convient de relever que les personnes concernées bénéficient notamment :
– d’un droit à l’information préalable : qui fait naître l’obligation d’informer toute personne de l’utilisation ou du stockage de données informatisées la concernant ;
-d’un droit d’accès : il permet à tout individu d’accéder aux données le concernant.
-d’un droit d’opposition : il permet de s’opposer à la collecte de données individuelles, dès lors que la collecte n’est pas rendue obligatoire par la loi ;
-et d’un droit de rectification : il autorise tout individu à demander la correction des données le concernant en cas d’erreur. Par ailleurs l’organisme détenant les informations a l’obligation de les rectifier dès lors qu’elle est au courant qu’elles sont erronées.
(1) Article L.212-2 du code du patrimoine « La conservation de archives est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche. »
(2) L-211-2 du code du patrimoine.