La réglementation du contenu des jeux vidéos

La Fédération Européenne des Logiciels de Loisirs (ISFE), qui rassemble éditeurs de jeux vidéos et associations nationales d’éditeurs en Europe, a annoncé, dans un communiqué du 15 octobre 2002, la mise en place mi-2003 d’un programme d’autorégulation, baptisé Pan-European Game Information (PEGI). Ce programme met en place une classification des jeux vidéos selon le danger qu’ils représentent pour la jeunesse et un code de conduite pour sa mise en œuvre, ce secteur étant amené selon l’ISFE à « exercer une influence croissante sur les esprits ».

Le PEGI intervient à l’heure où l’industrie du jeu vidéo est en quête de reconnaissance au sein des industries culturelles et subit la polémique sur les relations ambiguës entre l’accès aux contenus violents et les actes de violence perpétrés notamment par les jeunes.

Plusieurs Etats disposent déjà de règles obligatoires parfois complétées par des règles de bonne conduite (« soft rules ») d’origine privée. Ainsi, en France il existe un dispositif répressif prévu par le Code pénal, un régime d’interdiction administrative prévu par la loi n°98-468 du 17 juin 1998 relative à la protection des mineurs, et une classification préventive (qui n’a aucune force obligatoire) créée par le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL).

L’initiative de l’ISFE permettra d’harmoniser  les pratiques au sein de l’Espace Economique Européen et de pallier l’absence de règles dans certains Etats européens.

1. REGLEMENTATION FRANÇAISE

La loi réprime, au titre de la mise en péril des mineurs, « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75.000 Euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur » (Article 227-24 du Code pénal).

Cette incrimination très large a été appliquée à des éditeurs de sites pornographiques qui n’avaient pas pris les « précautions utiles » pour en bloquer l’accès aux mineurs (Cour d’appel de Paris, 2 avril 2002) et fait peser un risque non négligeable sur les éditeurs et les distributeurs de jeux vidéos.

En outre, la loi du 17 juin 1998 permet au ministère de l’intérieur d’interdire, par arrêté motivé, la mise à disposition des mineurs de « tout document fixé soit sur support magnétique soit sur support numérique (…) tel que les jeux électroniques » dès lors que ledit document présente un danger pour la jeunesse « en raison de son caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l’incitation à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants » (art. 32 de la loi du 17 juin 1998).

Cette interdiction, qui doit apparaître clairement sur le conditionnement extérieur et dans le jeu même, vise le fait de proposer, donner, louer ou vendre le jeu à des mineurs et d’en faire la publicité par quelque moyen que ce soit, sauf dans les lieux dont l’accès leur est interdit. Les acteurs de l’industrie du jeu vidéo y contrevenant s’exposent à une peine d’emprisonnement d’un an et 15.000 Euros d’amende.

Enfin, le SELL a mis en place une classification des jeux vidéos en vue d’informer les consommateurs et de répondre aux attaques des associations familiales qui stigmatisaient la violence de certains jeux. Cette classification, largement inspirée de celle existante au Royaume Uni depuis 1994, comporte quatre degrés : « interdit au moins de 18 ans » ; « public adulte – déconseillé au moins de 16 ans » ; « déconseillé au moins de 12 ans » et « pour tous publics ».

2. OBJECTIF ET CONTENU DU PEGI

Les mécanismes d’autorégulation sont encore très diversifiés en Europe. Alors que le Danemark, les Pays Bas, la Suède et l’Allemagne disposent chacun d’une classification volontaire, la Finlande a choisi de mettre en place une classification d’origine légale. C’est en mai 2001 que les discussions au sein de l’ISFE ont fait ressortir la nécessité d’harmoniser les classifications au sein des pays de l’Union Européenne ainsi que ceux de l’Espace Economique Européen.

Le PEGI n’a pas pour objectif d’interdire la diffusion de jeux vidéos (ce qui pose le problème de la censure et est de nature à développer l’apparition de marchés parallèles difficilement contrôlables) mais de permettre aux parents et aux adultes en général de contrôler l’accès des mineurs à certains jeux par une information claire. Les éditeurs mettent en avant la recherche d’un équilibre entre « la sauvegarde de la liberté individuelle » du consommateur et la responsabilité des éditeurs.

Les éditeurs devront apposer le ou les logos adéquats sur les emballages et le cas échéant, sur les écrans d’accueil des jeux vidéos en ligne en recommandant un âge minimum (3+, 7+, 12+, 16+, 18+) au regard du contenu potentiellement néfaste pour les jeunes joueurs (violence, sexe, discrimination, drogue, peur, injures, etc.). A terme, cette classification doit remplacer les classifications existantes des états qui ont adhéré au PEGI.

Le choix d’une classification par un éditeur pourra être contesté devant l’ISFE par tout intéressé, et une commission de suivi au sein de l’ISFE contrôlera régulièrement les classements effectués. L’ISFE se réserve également le droit de prononcer des sanctions en cas de manquement répété aux règles de bonne conduite.

Des faiblesses demeurent cependant : le Portugal ne s’est pas associé au PEGI, la Finlande souhaite conserver ses seuils légaux de 11 et 15 ans, enfin l’Allemagne ne le rejoindra que sous réserve de sa conformité à sa loi en cours d’élaboration.

Il reste à voir si cette initiative d’autorégulation sera couronnée de succès, sachant que la convergence risque de rendre rapidement obsolètes les démarches sectorielles. Quelques Etats ont ainsi décidé de retenir une approche transversale, édictant des règles uniformes pour l’ensemble des «médias audiovisuels » (par ex. l’OFCOM en projet au Royaume Uni, ou le NICAM aux Pays Bas).

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