Retour sur les conditions qui permettent d’obtenir le déréférencement d’articles relatifs à une condamnation pénale

Le Tribunal judiciaire de Paris a, dans un jugement didactique, rejeté la demande de déréférencement d’un article faisant état de la condamnation pénale d’un professionnel

Un professionnel souhaitait obtenir, de la part d’un moteur de recherche, le déréférencement de page de sites Internet faisant état de sa condamnation pénale pour remise de contrat non conforme lors d’un démarchage à domicile.

Pour obtenir le déréférencement des URL litigieuses, le professionnel avait saisi l’exploitant d’un moteur de recherche puis la CNIL[1] à la suite du refus qui lui avait été opposé. L’exploitant du moteur de recherche avait persisté dans son refus, considérant que la publication présentait un intérêt pour le public. 

Insatisfait, le professionnel a saisi le Tribunal judiciaire de Paris qui a également refusé de faire droit à ses demandes après avoir rappelé que les conditions de mise en œuvre du droit au déréférencement doivent être interprétées strictement. 

Rappel sur le droit au déréférencement et ses conditions de mise en œuvre 

L’article 17 du RGPD accorde aux personnes concernées le droit d’obtenir l’effacement de données à caractère personnel les concernant (droit à l’oubli). 

De ce droit découle une obligation pour le responsable de traitement de procéder à cet effacement sous réserve de l’application de l’un des motifs mentionnés à l’article 17.1 du RGPD, parmi lesquels figurent : 

  • le fait que les données en cause ne soient plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées ; ou
  • le fait que les données aient fait l’objet d’un traitement illicite. 

Toute personne peut, sur ce fondement, demander à l’exploitant d’un moteur de recherche de supprimer, déréférencer, certains résultats de recherche associés à ses nom et prénom. 

À cet égard, le Tribunal a rappelé que le déréférencement est justifié lorsque les données personnelles sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou lorsque des motifs légitimes s’opposent au traitement de ces données. 

Cela étant, le droit au déréférencement n’est pas absolu. 

L’exploitant d’un moteur de recherche saisi d’une telle demande doit effectuer une appréciation au cas par cas consistant à trouver un juste équilibre entre le droit à la vie privée et à la protection des données personnelles et le droit à la liberté d’expression et d’information. L’exploitant du moteur de recherche doit ainsi tenir compte de l’intérêt légitime des internautes à avoir accès à l’information. 

Cette mise en balance des intérêts diffère en fonction du type de données concerné : données sensibles (données de santé, données révélant l’origine raciale ou les convictions religieuses, etc.), données relatives à des infractions ou condamnations pénales et les autres données personnelles. 

Le déréférencement de données en matière pénale confronté au droit à l’information des internautes

S’agissant spécifiquement du déréférencement de données en matière pénale, l’exploitant du moteur de recherche doit déterminer si l’indexation est « strictement nécessaire à l’information du public » au regard de différents éléments, à savoir :

  • la nature et la gravité de l’infraction pénale ;
  • le déroulement de la procédure, son issue et l’étape de la procédure à laquelle renvoie l’information dont le déréférencement est sollicité ;
  • le temps écoulé ;
  • le rôle joué par la personne concernée dans la vie publique et son comportement dans le passé[2]

Le Tribunal a précisé que si cette mise en balance des intérêts conduit à privilégier le droit à l’information, conduisant ainsi à rejeter la demande de déréférencement, l’exploitant du moteur de recherche devra toutefois « aménager le référencement pour mettre en valeur les contenus les plus à jour, reflétant la situation judiciaire actuelle du demandeur ». 

En l’espèce, après avoir constaté que certaines pages dont le déréférencement était sollicité n’étaient pas accessibles à partir d’une recherche comportant les seuls nom et prénom du professionnel, mais après une recherche comportant des mots clés supplémentaires, le Tribunal a rejeté la demande du professionnel. 

Le Tribunal a également refusé d’ordonner le déréférencement des autres pages litigieuses au motif que l’information relative à la condamnation pénale du professionnel était strictement nécessaire à l’information légitime des internautes susceptibles de recourir aux services du professionnel.

Lire le jugement du Tribunal judiciaire de Paris, du 18 septembre 2014, n° 22/10502


[1] En l’absence de réponse ou en cas de refus du moteur de recherche, la personne concernée peut déposer plainte auprès de la CNIL afin que celle-ci déterminer si le résultat de recherche en cause doit ou non être déréférencé. Dans l’affirmative, la CNIL peut contraindre le moteur de procéder au déréférencement. 

[2] CJUE, 24 septembre 2019, affaire C-136/17

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