Paquet dessins et modèles : l’UE modernise le régime de protection

Publié au JOUE le 18 novembre 2024, le « paquet dessins et modèles » actualise le régime de ce droit de propriété intellectuelle. 

Le droit des dessins et modèles permet de protéger l’apparence de produits variés. Pour bénéficier de cette protection, le dessin ou modèle doit répondre aux critères de nouveauté (c’est-à-dire d’absence de divulgation) et de caractère propre.

La dernière réforme du droit des dessins et modèles à l’échelle de l’UE remontait à plus de vingt ans. 

C’est la raison pour laquelle l’Union européenne a entrepris de moderniser ce droit et d’adopter un « paquet dessins et modèles » en révision de la directive 98/71/CE de 1998 et du règlement n°6/2002 de 2001. Ce « paquet dessins et modèles » comprend :

  • la directive 2024/2823[1] renforçant l’harmonisation des législations nationales des États membres ;
  • le règlement 2024/2822[2] sur les dessins ou modèles communautaires.

Adaptation aux nouveaux usages numériques

Le « paquet dessins et modèles » modernise la réglementation à l’ère des dessins et modèles numériques et de l’impression 3D.

La protection des « dessins et modèles » a ainsi été élargie et pourra désormais s’appliquer à l’apparence de produits « numériques » ; apparence conférée, au-delà des caractéristiques traditionnelles, par « le mouvement, les transitions ou tout autre type d’animation »[3].

En conséquence, la directive consacre de nouvelles techniques pour représenter l’objet protégé lors du dépôt comme l’imagerie ou la modélisation informatique[4].

La directive et le règlement accordent également au titulaire des droits le droit d’interdire à tout tiers « la création, le téléchargement, la copie et le partage ou la distribution à autrui de tout support ou logiciel enregistrant le dessin ou modèle »[5]. Cette extension des prérogatives du titulaire de droits vise explicitement à endiguer les risques du déploiement de technologies d’impression 3D, y compris à l’aide de l’intelligence artificielle[6].

Évolution des procédures administratives

La directive consacre la possibilité de déposer une « demande multiple », c’est-à-dire de regrouper en une seule demande plusieurs dessins et modèles. Cette possibilité est offerte y compris lorsque les dessins et modèles revendiqués sont destinés à être incorporés dans des produits qui ne relèvent pas de la même classe[7].

À noter, concernant l’information du public relative aux produits comprenant un dessin ou modèle enregistré, la directive prévoit la possibilité de faire figurer sur le produit la lettre « D » entourée d’un cercle[8]. Lorsque le produit est numérique, l’indication peut comporter un hyperlien vers l’inscription du dessin ou modèle dans le registre.

La réforme introduit par ailleurs la possibilité pour les États membres d’introduire une procédure administrative de nullité gérée par les offices nationaux des dessins et modèles enregistrés[9]. En France, l’article L.512-4 du Code de la propriété intellectuelle permettait de demander la nullité d’un dessin et modèle uniquement devant les juridictions. Avec la réforme, le gouvernement français pourra accorder de nouvelles compétences à l’INPI en la matière.

Étendue de la protection et défense du droit

La protection par le droit des dessins et modèles confère à leur titulaire un droit exclusif d’exploiter le dessin ou modèle. Au titre de ce droit, le titulaire peut également interdire à tout tiers, la reproduction, la fabrication, etc., du produit protégé.

Le paquet « dessins et modèles » introduit davantage de souplesse à ce droit exclusif via l’ajout d’une « clause de réparation ». Cette clause précise que la protection par les dessins et modèles ne s’applique pas pour les pièces d’un produit complexe dont le but exclusif est de permettre la réparation de ce produit en vue de lui rendre son apparence initiale[10].

De nouvelles exceptions au monopole du titulaire de droit d’un dessin ou modèle enregistré ont également été introduites. Aussi, les actes de reproduction d’un dessin ou modèle accomplis à des fins d’illustration ou d’enseignement ne sont pas soumis à l’autorisation du titulaire de droits, de même que les actes accomplis à des fins de commentaire, de critique ou de parodie[11].

S’agissant de l’atteinte au monopole du titulaire des droits, la directive introduit, en cas d’action en contrefaçon, une présomption de validité des dessins et modèles[12]. Le demandeur à une action en contrefaçon ne sera donc pas de tenu de rapporter la preuve de la validité des dessins et modèles dont il revendique la protection lors de l’introduction de son action.

Enfin, la réforme introduit une nouveauté inspirée du droit des marques. Les titulaires de dessins et modèles enregistrés pourront dorénavant empêcher l’entrée de produits contrefaisants sur le territoire de l’UE, et cela quand bien même les produits ne seraient pas destinés au marché européen. Les autorités douanières peuvent ainsi intervenir pour saisir les marchandises en transit suspectées de contrefaçon, peu importe leur destination finale[13].

Prochaines étapes 

Le « paquet dessins et modèles », approuvé par le Conseil de l’UE le 10 octobre 2024, a été publié au JOUE le 18 novembre 2024.

Le règlement 2024/2822 sera applicable à partir du 1er mai 2025, à l’exception des dispositions énumérées à l’article 3 du règlement qui s’appliqueront à compter du 1er juillet 2026[14].

Quant à la directive 2024/2823, les États membres doivent transposer ses dispositions avant le 9 décembre 2027. 

Lire le règlement (UE) 2024/2822 du 23 octobre 2024 

Lire la directive 2024/2823 du 23 octobre 2024


[1] Directive n°2024/2823 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024. 

[2] Règlement n°2024/2822 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024. 

[3] Directive 2024/2823, article 2 ; règlement 2024/2822, article 1, 9) modifiant l’article 3 du règlement n°6/2002.

[4] Directive 2024/2823, article 26.

[5] Directive 2024/2823, article 16 « droits conférés par l’enregistrement » ; règlement 2024/2822, article 1, 17) modifiant l’article 19 du règlement n°6/2002.

[6] Directive 2024/2823, considérant 27 ; règlement 2024/2822, considérant 14.

[7] Directive 2024/2823, article 27.

[8] Directive 2024/2823, article 24 ; règlement n°2024/2822, article 26 bis. 

[9] Directive 2024/2823, article 31.

[10] Règlement 2024/2822, article 1. 18) insérant un article 20 bis au règlement n°6/2002 ; directive 2024/2823, article 19.

[11] Règlement 2024/2822, article 1. 17) modifiant l’article 20 du règlement n°6/2002 ; directive 2024/2823, article 18.

[12] Directive 2024/2823, article 17.

[13] Règlement 2024/2822, article 1.17) modifiant l’article 19 du règlement n°6/2002 ; directive 2024/2823, article 16§3.

[14] Règlement n°2024/2822, article 3.

Ne manquez pas nos prochaines publications

Votre adresse email est traitée par FÉRAL afin de vous transmettre les publications et actualités du Cabinet. Vous pouvez vous désabonner à tout moment. Pour en savoir plus sur la manière dont sont traitées vos données et sur l’exercice de vos droits, veuillez consulter notre politique de protection des données personnelles.

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.