Le défaut d’information sur la collecte et le traitement des données personnelles peut entraîner la nullité du contrat portant sur l’exploitation d’un site internet

Après avoir constaté que le prestataire n’avait pas informé son cocontractant de l’installation de cookies sur son site Internet, la Cour d’appel de Grenoble a prononcé la nullité d’un contrat sur le fondement de l’erreur sur une qualité essentielle du site.

Une société exerçant une activité d’opticien (le « Client ») avait fait appel à un Prestataire pour lui confier la création, l’installation et la maintenance d’un site Internet dédié à son activité professionnelle. 

Les parties avaient alors conclu deux contrats : un contrat de création et d’hébergement de site Internet et un contrat de licence d’exploitation portant sur ce même site. Le second contrat avait ensuite été cédé à une société de location financière.

Quelques mois après la signature du PV de réception sans réserve du site Internet, le Client avait adressé au Prestataire une demande de résiliation des contrats, et avait cessé de régler les mensualités dues au titre du contrat de licence d’exploitation. 

La société de location financière avait alors assigné le Client devant le Tribunal de commerce de Grenoble et obtenu la condamnation de ce dernier au paiement des mensualités impayées et restant dues jusqu’à la fin du contrat.

Insatisfait, le Client avait interjeté appel de ce jugement afin que soit prononcée la nullité des contrats. 

Dans un arrêt du 12 janvier 2023, la Cour d’appel de Grenoble a prononcé la nullité du contrat de création et d’hébergement du site sur le fondement du Code de la consommation ainsi que celle du contrat de licence d’exploitation sur le fondement des vices du consentement. 

L’absence d’information préalable relative à l’installation de logiciels destinés au traitement de données personnelles peut entraîner la nullité du contrat

En l’espèce, le Client avait fait constater, par commissaire de justice, que le site Internet collectait et traitait les données personnelles des utilisateurs de manière illicite. En effet, le site installait des cookies sans information et consentement préalable des internautes. 

Le contrat de licence d’exploitation du site Internet prévoyait cependant que le Client, en tant qu’éditeur, était responsable de toutes les conséquences résultant de l’utilisation du site. Il lui incombait également de réaliser toutes les formalités nécessaires auprès de la CNIL.

Après avoir constaté l’illicéité de la collecte et du traitement des données[1], la Cour d’appel a jugé que le Prestataire aurait dû informer son client de l’existence de logiciels permettant l’installation de cookies. 

Selon elle, cette information était « déterminante » au regard de la responsabilité civile et pénale, ainsi que des lourdes sanctions encourues par le Client en cas de manquement à la règlementation applicable en matière de protection des données personnelles. 

Dès lors, le Prestataire devait nécessairement porter cet élément, que la Cour qualifie « d’élément essentiel du site », à la connaissance du Client.

Or, le Prestataire ne rapportait pas la preuve de la communication à son cocontractant de cette information essentielle concernant le site qu’il avait conçu et installé.

La Cour a, par ailleurs, précisé que la réception sans réserve du site ne pouvait pallier ce défaut d’information puisque le Client, profane en la matière, n’était pas en mesure de constater lui-même ce problème lors de la livraison.

Par conséquent, la Cour d’appel a prononcé la nullité du contrat sur le fondement de l’erreur sur une qualité essentielle[2], le Client pouvant légitimement s’attendre à ce que le site ne collecte pas illégalement les données personnelles des visiteurs. 

Le contrat hors établissement portant sur la création d’un site Internet et conclu entre professionnels peut être annulé sur le fondement du droit de la consommation

Le Client demandait également la nullité du contrat de création et d’hébergement du site Internet sur le fondement des dispositions du Code de la consommation relatives aux contrats hors établissement. 

Il estimait en effet que le Prestataire ne lui avait pas fourni un certain nombre d’informations dont la fourniture était selon lui obligatoire.

Il incombait ainsi à la Cour de déterminer si le Client pouvait invoquer la nullité du contrat, conclu entre professionnels, sur le fondement du droit de la consommation. 

Aussi, les juges ont rappelé que l’obligation d’information précontractuelle, les dispositions particulières applicables aux contrats hors établissement et au droit de rétractation peuvent être étendues aux contrats conclus entre professionnels lorsque trois conditions sont réunies : 

  • Le contrat est conclu hors établissement[3] ;
  • L’objet du contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel ; et
  • Le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq[4]

En l’espèce, le contrat n’avait pas été conclu au siège du Prestataire mais à celui du Client, qui n’employait aucun salarié. De plus, la Cour a considéré que l’objet du contrat, à savoir la création d’un site « vitrine » permettant au Client de présenter ses produits sans les vendre en ligne, n’entrait pas dans le champ de l’activité principale de ce dernier. 

Dès lors, le Client pouvait valablement solliciter la nullité du contrat sur le fondement du défaut d’information précontractuelle sur les délais de livraison et du manquement à l’obligation d’informer le client lorsqu’il ne bénéficie pas du droit de rétractation. 

En l’occurrence, le Prestataire n’avait pas informé le Client du fait qu’il ne bénéficiait pas du droit de rétraction, ce droit ne pouvant s’exercer pour les contrats de fourniture de services personnalisés tels que la création d’un site Internet dédié à l’activité professionnelle du Client. 

En outre, ni le bon de commande ni le contrat de licence d’exploitation du site ne faisaient mention des délais de livraison.  

La Cour d’appel a ainsi prononcé la nullité du contrat. 

Que retenir de cet arrêt ?

  • Le contrat de prestation de services portant sur la création, l’installation ou l’exploitation d’un site Internet peut encourir la nullité sur le fondement de l’erreur en l’absence d’information du client quant à la collecte et au traitement de données personnelles effectués via le site.
  • Le contrat hors établissement conclu entre professionnels qui ne respecte pas certaines dispositions du Code de la consommation – obligations d’information précontractuelle, dispositions particulières applicables aux contrats hors établissement et au droit de rétractation – peut être annulé. 

Lire l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 12 janvier 2023 RG n°21/03701


[1] La Cour se fondait sur les dispositions de l’ancien article 32, II de la loi informatique et liberté.

[2] Article 1132 et suivants du Code civil.

[3] L’article L. 221-1, I, 2° du Code de la consommation définit le contrat hors établissement comme un contrat conclu « a) Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties (…) ».

[4] Ancien article L. 121-16-1, III du Code de la consommation, remplacé par l’article L. 221-3 du même Code.

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