La Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé qu’un commerçant qui propose à la vente, sur une place de marché en ligne, un bien qu’il n’a pas lui-même produit, n’est pas obligé d’informer le consommateur de la garantie du producteur à moins qu’il n’en ait fait un élément central ou décisif de son offre
Aux termes de la directive 2011/83/CE, le vendeur qui recourt au e-commerce est tenu à une importante obligation d’information à l’égard du consommateur[1]. Il est ainsi tenu de communiquer au consommateur les informations listées à l’article 6 de la directive précitée[2], parmi lesquelles les informations relatives à l’existence de garanties commerciales et à leurs conditions.
Dans un arrêt du 5 mai 2022, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), saisie de questions préjudicielles soulevées par les juridictions allemandes, a précisé dans quelles conditions un professionnel est tenu d’informer le consommateur de la garantie commerciale accordée non pas par lui, mais par le producteur du bien offert. Elle précise également ce que doit recouvrir cette information lorsqu’elle est requise.
En l’espèce, un professionnel proposait à la vente, sur la marketplace Amazon, des produits dont il n’était pas le fabricant. L’offre ne précisait pas l’existence d’une garantie commerciale offerte par lui ou un tiers, mais contenait une rubrique intitulée « Autres informations techniques ». Cette rubrique renvoyait vers une fiche d’information fournie par le producteur qui, elle, contenait une déclaration relative à la garantie offerte par ce dernier. Un concurrent avait alors assigné le vendeur sur le fondement de la réglementation allemande relative à la concurrence déloyale au motif qu’il ne fournissait pas suffisamment d’information sur cette garantie du producteur.
L’information sur la garantie du producteur est due lorsqu’elle constitue un élément central ou décisif de l’offre
Dans son arrêt, la CJUE rappelle que l’obligation d’information visée par l’article 6 de la directive 2011/83/CE doit couvrir l’ensemble des informations essentielles relatives au bien vendu.
Ainsi, l’existence d’une garantie du producteur constitue une information intrinsèquement liée au bien et est susceptible d’entrer dans le périmètre de l’article 6 précité. Le vendeur pourrait être alors tenu d’informer le consommateur de l’existence d’une garantie du producteur. Une telle obligation, si elle était systématique, lui imposerait un travail considérable de recherche d’informations, alors même que cette garantie ne met à sa charge aucune obligation envers le consommateur.
C’est pourquoi la CJUE considère qu’imposer une obligation d’information relative à cette garantie de façon inconditionnelle apparaît disproportionné compte tenu notamment du contexte économique du fonctionnement de certaines entreprises. Elle précise que la simple existence d’une garantie du producteur ne fait pas automatiquement naître une obligation d’information à son sujet à la charge du vendeur. En revanche, une telle obligation existe lorsque le consommateur a un intérêt légitime à obtenir cette information.
La Cour précise que cet intérêt légitime est établi lorsque le vendeur fait de la garantie commerciale du producteur « un élément central ou décisif de son offre ». Ce paramètre doit notamment être apprécié compte tenu « du contenu et de la configuration générale de l’offre ». Cela est notamment le cas lorsque le vendeur fait de cette garantie un argument de vente ou de publicité.
La CJUE laisse à la juridiction de renvoi l’appréciation de l’existence de cet intérêt légitime. Dans le cas d’espèce, la garantie commerciale du producteur n’était pas mentionnée dans le corps du texte de l’offre, mais seulement dans une notice d’information rédigée par le producteur vers laquelle l’offre renvoyait. Elle n’a ainsi pas été utilisée comme un argument de vente ou publicitaire par le vendeur.
L’information doit porter sur l’existence et les conditions de la garantie du producteur
Dans l’hypothèse où l’information sur la garantie du producteur est due, la Cour précise que l’information fournie au consommateur devra porter sur l’existence de la garantie du producteur et ses conditions.
Le vendeur devra alors informer le consommateur de la durée et de l’étendue territoriale de la garantie, et le cas échéant du nom et de l’adresse du garant. La Cour précise également que le vendeur pourra indiquer le lieu de réparation en cas de dommage, ou les éventuelles restrictions de garantie. L’intégralité du contenu de la garantie n’a en revanche pas à être fournie.
En l’espèce, le concurrent reprochait notamment au défendeur de ne pas attirer l’attention du consommateur sur ses droits légaux ainsi que sur le fait que la garantie du producteur ne porte pas atteinte à ces droits, comme le prévoit la directive 1999/44. La Cour relève que cette déclaration ne relevait pas des conditions afférentes aux garanties commerciales puisqu’elle vise le rappel de l’existence de la garantie légale de conformité. Elle n’était donc pas due au consommateur.
Ces précisions sont transposables en droit français. En effet, en matière de vente à distance, le Code de la consommation impose aux professionnels l’obligation d’informer le consommateur, de manière lisible et compréhensible, de l’existence et des modalités de mise en œuvre des garanties[3]. Lorsqu’elle porte sur la garantie du producteur, cette information ne sera en revanche due que si le vendeur fait de cette garantie un argument de vente qui peut s’avérer décisif pour le consommateur.
Lire l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 5 mai 2022
[1] Voir notre billet sur l’arrêt de la CJUE relatif à l’information à communiquer en cas d’obligation de paiement
[2] Article 6 de la directive 2011/83/UE.
[3] Article L.111-1, 5° et L. 221-5, C. conso.