SFR avait été reconnue victime de la commercialisation de boîtiers configurés pour capter frauduleusement des programmes télédiffusés. Cependant, faute d’avoir rapporté la preuve de l’étendue de son préjudice économique, les dommages et intérêts qui lui ont été alloués ont été limités à un euro symbolique.
Les responsables du trafic de décodeurs permettant notamment de capter la chaîne RMC Sport, diffusée par SFR, avaient été reconnus coupables des infractions de détention, promotion, offre, vente et installation de moyens de captation frauduleuse de programmes télédiffusés réservés à un public d’abonnés.
Ils avaient été condamnés solidairement en première instance à verser à SFR, partie civile, la somme de 120 000 euros en réparation de son préjudice commercial, constitué d’une atteinte à son image et à sa réputation. SFR avait par ailleurs été déboutée des demandes qu’elle formulait au titre de son préjudice économique.
Les prévenus ont interjeté appel de cette condamnation, aux motifs que SFR n’avait pas sollicité la réparation d’un quelconque préjudice moral devant le Tribunal correctionnel, et qu’elle ne justifiait pas du montant de son préjudice économique.
Dans un arrêt du 1er décembre 2022, la Cour d’appel de Versailles a réformé la décision de 1ère instance, en rappelant que le juge ne peut statuer ultra petita et que le demandeur doit démontrer l’étendue du préjudice financier dont il sollicite la réparation.
Le juge ne peut statuer ultra petita
D’après ce principe, un juge ne peut rendre une décision sur une prétention qui ne lui est pas soumise, ni condamner une partie à verser à une autre un montant excédant les demandes de celle-ci.
En l’espèce, SFR sollicitait en première instance certaines sommes au titre de la perte d’abonnés. Or, les premiers juges avaient fondé la réparation attribuée à SFR sur l’existence d’un préjudice résultant de l’atteinte à l’image et à la réputation de SFR vis-à-vis de ses clients et des titulaires de droits audiovisuels.
La Cour d’appel de Versailles a considéré qu’ils ne se référaient alors pas à un préjudice patrimonial, mais à un préjudice moral dont SFR ne sollicitait pourtant pas la réparation. Les juges versaillais ont donc considéré que les juges du tribunal correctionnel avaient statué ultra petita, c’est-à-dire au-delà de ce que SFR leur avait demandé.
Ils ont en conséquence annulé les dispositions civiles du jugement contesté, et ont réexaminé les demandes indemnitaires formulées par SFR.
Le demandeur doit démontrer l’étendue du préjudice financier dont il sollicite la réparation
SFR soutenait que le trafic litigieux avait eu pour conséquence de la priver de revenus résultant des abonnements payants auxquels les personnes ayant acquis les décodeurs auraient souscrit sans cette offre illicite.
Relevant que SFR « n’évaluait pas de préjudice, n’ayant pas connaissance du nombre de boîtiers vendus, mais évoquait un manque à gagner de 19 euros par abonné et par mois », la Cour d’appel de Versailles a jugé que cette évaluation du préjudice reposait sur « des hypothèses qui ne sont étayées par aucun élément concret ».
La Cour a notamment relevé que « les offres proposées par les prévenus permettaient l’accès non pas à des chaînes à péage déterminées mais à plus de 3.500 chaînes et à plus de 1.000 films et séries ». Dès lors, les décodeurs n’étaient pas uniquement utilisés pour accéder à la chaîne RMC Sport exploitée par SFR.
En outre, ni le profil des utilisateurs – et donc leurs préférences –, ni leur nombre n’avaient été établis dans le cadre de l’enquête diligentée. Par ailleurs, SFR n’avait pas rapporté la preuve d’une quelconque perte de chiffre d’affaires ou de diminution de la fréquentation de sa chaîne.
Dès lors, la Cour a limité l’indemnisation de SFR à la somme d’un euro symbolique au titre de la perte d’abonnés.
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