Une plateforme de covoiturage ne peut être tenue responsable du non-respect de la règlementation applicable par ses utilisateurs 

Le Tribunal de commerce de Nanterre a jugé qu’une plateforme de covoiturage ne commet pas d’acte de concurrence déloyale dès lors qu’elle met en œuvre des mesures permettant de lutter contre le non-respect de la règlementation applicable en matière de covoiturage.

L’exploitant d’une plateforme de mise en relation entre des passagers et des voitures de transport avec chauffeur (la « Plateforme de VTC ») considérait qu’une plateforme de covoiturage (la « Plateforme de Covoiturage ») se livrait à des actes de concurrence déloyale en ne respectant pas la règlementation applicable en matière de covoiturage. 

Selon la Plateforme de VTC, la Plateforme de Covoiturage encourageait ses utilisateurs-conducteurs à effectuer des transports de personnes à titre onéreux en s’affranchissant des contraintes qui pèsent sur les chauffeurs VTC. Le non-respect allégué de la règlementation du covoiturage permettrait à la Plateforme de Covoiturage d’attirer à elle un public séduit par ses tarifs, 2 à 3 fois moins chers.

Dans un jugement du 7 juin 2023, le Tribunal de commerce de Nanterre a jugé que la Plateforme de Covoiturage n’avait commis aucun acte de concurrence déloyale dès lors qu’elle respectait les obligations qui lui incombent au titre de la règlementation du covoiturage.

La plateforme de covoiturage n’est pas responsable du non-respect de la règlementation par ses utilisateurs

Le Tribunal a rappelé les obligations auxquelles sont tenus les conducteurs en matière de covoiturage[1], qui est nécessairement une activité non professionnelle, à savoir : 

  • Transporter des passagers à l’occasion de trajets effectués pour leur compte propre ; et
  • Ne pas en tirer de bénéfices en dehors du partage des coûts.

Dans l’hypothèse où ces conditions ne sont pas respectées, l’activité effectuée par les conducteurs peut être qualifiée d’activité professionnelle, qui, pour être licite, doit s’exercer dans le cadre de la règlementation du transport de personnes.

S’agissant des plateformes de covoiturage en ligne, le Tribunal a jugé qu’elles ne peuvent être tenues responsables des agissements des utilisateurs qui ne respecteraient pas les conditions posées par la règlementation du covoiturage.

Cela étant, ces plateformes ont l’obligation de ne pas se rendre complices de tels agissements et de mettre en œuvre des mesures permettant de les limiter.

La plateforme de covoiturage doit mettre en œuvre des mesures de nature à prévenir et sanctionner les comportements frauduleux

Après avoir écarté la responsabilité de la Plateforme de Covoiturage au titre du non-respect de la règlementation applicable par ses utilisateurs, le Tribunal a précisé qu’elle était néanmoins tenue d’une obligation liée à la lutte et la prévention de ces comportements.

À ce titre, la Plateforme de Covoiturage se devait de mettre en œuvre des mesures d’information, de surveillance et de sanction de nature à prévenir et à limiter les agissements frauduleux. Selon le Tribunal, ces mesures peuvent aller jusqu’à interdire l’accès à la plateforme aux utilisateurs coupables de tels agissements.

En l’espèce, le Tribunal a relevé que la méthode de calcul du prix utilisée par la Plateforme de Covoiturage revenait à restituer au conducteur un montant inférieur au coût d’utilisation de son véhicule pour le trajet effectué. Dès lors, la Plateforme de Covoiturage ne permettait pas à ses utilisateurs-conducteurs de tirer des bénéfices en dehors du partage des coûts.

S’agissant du fait pour le conducteur d’effectuer le déplacement pour son propre compte, le Tribunal admettait que le respect de cette obligation ne pouvait pas être strictement contrôlé par la Plateforme de Covoiturage, sauf à demander des informations concernant la vie privée de ses utilisateurs, ce qui serait illégal.

Enfin, le Tribunal a constaté que la Plateforme de Covoiturage avait mis en œuvre des mesures visant à limiter les comportements frauduleux, telles que : 

  • La limitation du nombre de trajets par jour et par conducteur ;
  • Un filtre « anti-retour » empêchant un trajet « retour » suivant immédiatement le trajet « aller » ;
  • L’impossibilité pour un passager de réserver un trajet avant que le conducteur ait validé l’itinéraire et l’horaire de son trajet ;
  • Un contrôle permettant d’éviter les comptes multiples pour un même utilisateur ; etc.

En conséquence, le Tribunal de commerce a jugé que la Plateforme de Covoiturage respectait les obligations qui lui incombaient au titre de la règlementation du covoiturage et ne s’était donc pas livrée à des actes de concurrence déloyale.

Jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 7 juin 2023 (non publié) 


[1] Article L. 3132-1 du Code des transports

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