La Cour d’appel de Rennes a condamné un éditeur qui n’avait pas exploité les œuvres de l’auteur, ni veillé au respect du droit moral de ce dernier par des tiers.
Une créatrice d’objets à colorier (l’« Auteur ») et une société commercialisant des objets pour enfants (l’« Éditeur ») avaient conclu un contrat afin d’encadrer l’exploitation par l’Éditeur d’œuvres réalisées par l’Auteur.
Dans le cadre de ce contrat, l’Auteur avait cédé à l’Éditeur le droit exclusif de commercialiser ses créations, pour une durée de dix ans et dans le monde entier. En contrepartie de cette exclusivité, l’Éditeur se soumettait à différents engagements, tenant notamment à l’exploitation et la diffusion des œuvres.
L’Auteur reprochait à l’Éditeur plusieurs manquements à ses obligations légales et contractuelles, notamment quant au respect de son droit moral.
Le Tribunal de grande instance de Rennes avait considéré que ces manquements justifiaient la résiliation du contrat et le paiement de dommages et intérêts, ce qu’a confirmé la Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 20 juin 2023.
Le contrat d’édition peut être résilié en cas de manquement de l’éditeur à ses obligations d’exploitation et de diffusion
Le contrat d’édition est défini par le Code de la propriété intellectuelle comme le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit cède à un éditeur le droit de commercialiser et diffuser son œuvre.
L’auteur peut engager la responsabilité de son éditeur si ce dernier n’est pas diligent dans l’exploitation de l’œuvre, ou s’il ne rend pas compte de cette exploitation[1].
En l’espèce, le contrat stipulait que l’Auteur proposait en priorité à l’éditeur toutes ses créations. Ce dernier avait ensuite une liberté de choix de les commercialiser ou non.
La Cour a néanmoins observé qu’en pratique, l’Éditeur imposait différentes contraintes à l’Auteur (thèmes, formats, supports à utiliser), de sorte qu’il collaborait au processus créatif. Elle a jugé que ces consignes caractérisaient une commande, de sorte que l’Éditeur était tenu d’honorer son obligation d’exploitation et de diffusion.
Cependant, l’Éditeur ne démontrait pas avoir respecté cette obligation puisque sur les 110 créations commandées et réalisées, seulement 48 avaient en effet été éditées. Au surplus, parmi les éditions réalisées, certaines l’ont été dans un délai anormalement long, parfois plus de trois ans après la création.
En outre, l’Éditeur avait manqué à son obligation de rendre compte de ses actes d’exploitation et avait entretenu l’opacité sur son choix d’éditer les œuvres, en s’abstenant de formaliser par écrit la mise sur le marché de nouveaux produits.
La Cour d’appel a jugé que ces manquements caractérisaient une faute de l’Éditeur justifiant la résiliation du contrat à ses torts et l’indemnisation de l’Auteur.
L’éditeur doit respecter le droit moral de l’auteur et réagir aux atteintes des tiers
L’Auteur reprochait également à son Éditeur diverses atteintes à son droit moral sur les œuvres éditées.
Il se plaignait de l’immixtion de l’Éditeur, à de nombreuses reprises, dans ces choix artistiques. Les juges ont relevé qu’il s’agissait là d’un manquement de l’Éditeur au respect du choix artistique de l’Auteur.
L’Auteur considérait aussi que l’Éditeur était défaillant dans ses obligations légales et contractuelles de veiller à ce que la paternité de l’œuvre éditée soit respectée.
En effet, un site de e-commerce, partenaire commercial de l’Éditeur, avait attribué la paternité de plusieurs œuvres de l’Auteur à un autre créateur, qui au surplus évoluait dans le même univers que lui et auprès du même public.
La Cour d’appel a constaté un manquement de l’Éditeur, qui ne s’était pas assuré que son partenaire commercial mentionnait bien le nom de l’Auteur, et s’était abstenu de réagir pour faire cesser l’atteinte malgré les alertes portées à sa connaissance.
Enfin, l’Auteur reprochait à l’Éditeur, alerté de soupçons de contrefaçons d’un produit en vente sur une marketplace, de n’avoir réalisé aucune démarche pour faire cesser l’atteinte.
Les juges ont retenu un manquement de l’Éditeur à son obligation contractuelle d’assistance, au terme de laquelle il s’était engagé à agir en contrefaçon.
Lire l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 20 juin 2023, RG n°20/06085
[1] Articles L. 132-1 et suivant du Code de la propriété intellectuelle.