Il doit notamment examiner les captures d’écran de sites Internet, qui ne sont pas par nature dépourvues de force probante.
Le juge saisi d’une demande de mainlevée de saisie-contrefaçon « doit en apprécier les mérites en tenant compte de tous les éléments produits devant lui par les parties, y compris ceux qui ont été recueillis au cours des opérations de saisie-contrefaçon. » et y compris les captures d’écran de sites Internet : c’est l’enseignement d’un arrêt rendu le 7 juillet 2021 par la Cour de cassation, dans une affaire concernant une saisie-contrefaçon en matière de logiciel.
La société Courbon, qui reprochait à la société Eiffage Energie d’avoir contrefait un logiciel de supervision d’automatisme grâce à deux de ses anciens salariés qui avaient rejoint cette société, avait obtenu l’autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de cette dernière.
La société Eiffage Energie avait alors formé une demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon sur le fondement de l’article L. 332-2 du Code de la propriété intellectuelle. La société Courbon, pour justifier de ses soupçons de contrefaçon, produisait aux débats une capture d’écran d’un « échange sur le forum Facebook » ainsi que divers éléments obtenus au cours des opérations de saisie : les déclarations de ses anciens salariés et de leur supérieur à l’huissier, et une synthèse issue du procès-verbal de saisie-contrefaçon.
Le 17 novembre 2020, la Cour d’appel de Lyon avait estimé que « le résultat de la mesure ordonnée ne peut établir a posteriori le bien-fondé de la requête » et que « la capture d’écran d’un site Internet est dépourvue de force probante ». Elle avait jugé en conséquence que la société Courbon ne justifiait d’aucun élément objectif et vérifiable à l’appui de ses soupçons de contrefaçon de logiciel et avait en conséquence prononcé la mainlevée de la saisie.
Se pourvoyant en cassation, la société Courbon soutenait d’une part que le juge saisi d’une demande de mainlevée devait se placer au jour où il statue et tenir compte des éléments de preuve produits postérieurement à la requête visant à faire autoriser la saisie, de sorte que la Cour d’appel de Lyon ne pouvait refuser de tenir compte de ces éléments au motif que le résultat de la saisie ne peut établir a posteriori le bien-fondé de la requête.
Elle soutenait d’autre part que la contrefaçon de logiciels peut être prouvée par tous moyens, et que le fait de considérer qu’une capture d’écran d’un site Internet serait intrinsèquement dépourvue de force probante constituait une violation de ce principe.
Par arrêt du 21 juillet 2021, la Cour de cassation accueille favorablement ces arguments et juge, au visa de l’article L. 332-2 du Code de la propriété intellectuelle, que « La demande de mainlevée ne tendant ni à la rétractation ni à l’annulation de l’autorisation de pratiquer une saisie-contrefaçon, mais à la cessation pour l’avenir des effets de la saisie effectuée en vertu de cette autorisation, le juge saisi d’une telle demande doit en apprécier les mérites en tenant compte de tous les éléments produits devant lui par les parties, y compris ceux qui ont été recueillis au cours des opérations de saisie-contrefaçon ».
Elle ajoute, au visa de l’article L. 332-4 du même Code, que « la contrefaçon de logiciel peut être prouvée par tout moyen [et] qu’elle peut notamment l’être par des captures d’écran de sites Internet, lesquelles ne sont pas dépourvues par nature de force probante ». Cette force probante doit donc être appréciée au cas par cas par le juge du fond, qui ne peut se contenter d’écarter des captures d’écran sans les examiner.
Ces rappels étant faits, la Cour de cassation juge que la Cour d’appel de Lyon a violé les articles précités faute d’avoir examiné les éléments fournis par la société Courbon et casse son arrêt du 17 novembre 2020 en toutes ses dispositions.
Lire l’arrêt de la Cour de cassation