L’hébergeur régulièrement notifié de contenus illicites ne peut opposer au titulaire de droits le non-usage du dispositif technique qu’il a mis en place

La Cour d’appel de Paris a condamné l’hébergeur qui avait refusé de bloquer l’accès à des copies illicites de jeux vidéo nonobstant une notification préalable du titulaire de droits.

Une société, proposant des services d’hébergement et de stockage de données en ligne, hébergeait des jeux vidéocontrefaisants, rendus accessibles au téléchargement par des liens vers ses serveurs. 

Les titulaires des droits d’auteur sur ces jeux vidéo lui avaient adressé une notification de retrait des contenus illicites. 

Face à l’inaction de la société, les titulaires l’ont assigné devant le Tribunal judiciaire de Paris afin de voir engager sa responsabilité civile d’hébergeur. 

La Cour d’appel a confirmé la décision de première instance ayant retenu la responsabilité de l’hébergeur pour n’avoir pas promptement retiré les contenus manifestement illicites qui lui avaient été dûment notifiés. 

Une notification LCEN permet de présumer la connaissance par l’hébergeur des contenus illicites 

En vertu de la Loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN), la responsabilité d’un hébergeur peut être engagée dès lors qu’il n’a pas agi promptement pour retirer ou rendre l’accès impossible à des contenus illicites, alors qu’il en avait connaissance. 

Sa connaissance des faits litigieux est présumée lorsqu’il a été notifié des éléments prévus par cette même loi, à savoir notamment : 

  • la date de la notification ; 
  • les éléments d’identification du notifiant et du destinataire de la notification ; 
  • la description des contenus litigieux et leur localisation précise ; 
  • les motifs de retrait des contenus ; et 
  • la copie de la correspondance adressée à l’éditeur des contenus litigieux[1].

En l’espèce, les titulaires de droit avaient informé l’hébergeur de la localisation précise des contenus litigieux à l’aide d’explications sur le cheminement suivi par l’internaute pour accéder à ces contenus et de tableaux identifiant des exemples d’URLs litigieuses. 

La Cour a ainsi jugé que les notifications adressées à l’hébergeur étaient suffisantes pour lui permettre de connaître les faits ou circonstances faisant apparaître le caractère manifestement illicite des contenus.

En conséquence, la Cour a considéré que l’hébergeur régulièrement notifié aurait dû procéder promptement au retrait des contenus illicites et partant, engageait sa responsabilité. 

Le refus du titulaire de droit d’utiliser le dispositif de retrait mis en place par l’hébergeur n’exonère pas ce dernier de sa responsabilité

L’hébergeur de contenus avait mis en place une interface permettant aux titulaires de droit de solliciter le retrait de contenus sur laquelle ils devaient reproduire le lien du contenu et le décrire. 

En l’espèce, les titulaires de droit n’avaient pas eu recours à cette solution. L’hébergeur leur opposait cette circonstance arguant qu’ainsi, les titulaires de droit avaient laissé perdurer l’accès aux contenus litigieux. 

La Cour d’appel a rappelé que la notion de « connaissance » par un hébergeur susceptible d’engager sa responsabilité vise toute situation dans laquelle le prestataire concerné a eu connaissance, d’une façon ou d’une autre, des faits et circonstances sur la base desquels il peut constater l’illicéité en cause.

Dès lors, l’utilisation du dispositif de retrait proposé par l’hébergeur n’était qu’optionnelle et le choix des titulaires de droit de ne pas y recourir ne pouvait pas leur être opposé.

Lire l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 avril 2023, RG n°21/10585


[1] Article 6-I-5 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique

[2] Voir notre billet sur le règlement DSA. 

Ne manquez pas nos prochaines publications

Votre adresse email est traitée par FÉRAL afin de vous transmettre les publications et actualités du Cabinet. Vous pouvez vous désabonner à tout moment. Pour en savoir plus sur la manière dont sont traitées vos données et sur l’exercice de vos droits, veuillez consulter notre politique de protection des données personnelles.

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.