L’Autorité Nationale des Jeux ordonne le retrait de la publicité « Tout pour la Daronne » de Winamax

En insinuant qu’utiliser les services de Winamax contribuerait à la réussite sociale, la publicité violait l’interdiction de l’incitation excessive au jeu.

Winamax est site internet de poker et paris sportifs en ligne agréé par l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ). Dans le cadre d’une campagne publicitaire intitulée « Tout pour la Daronne », cet opérateur avait diffusé plusieurs vidéos mettant en scène un jeune homme d’apparence modeste qui remportait un pari sportif. À l’issue de cette « victoire », ce dernier était filmé en train d’accompagner une femme que l’on devine être sa mère dans un ascenseur, qui s’élevait jusqu’à la classe affaires d’un avion en passant par des appartements luxueux.

Dans une décision du 17 mars 2022, l’ANJ a prescrit le retrait de cette publicité, dans un délai d’un mois, au motif qu’elle violerait l’interdiction des opérateurs de jeu de diffuser des publicités suggérant « que jouer contribue à la réussite sociale »[1].

Règles applicables en matière de publicité pour les jeux d’argent et de hasard

Les opérateurs de jeu d’argent et de hasard, parmi lesquels figurent les opérateurs de paris sportifs, sont tenus de concourir à l’objectif d’intérêt général de prévention du jeu excessif ou pathologique. 

La faculté octroyée à ces opérateurs de réaliser des communications commerciales a pour objectif d’informer les utilisateurs de l’existence d’une offre légale (et donc de les détourner d’une offre de jeu illégale), plutôt que de favoriser une concurrence exacerbée entre opérateurs pour attirer de nouveaux utilisateurs[2].

Dès lors, la publicité pour les jeux d’argent et de hasard répond à des règles strictes. 

Ainsi, l’article L. 320-12 du Code de la sécurité intérieure (CSI) dispose que les communications commerciales pour les jeux d’argent et de hasard sont autorisées si elles sont assorties d’un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique. Il interdit également de réaliser et diffuser ce type de communication à destination des mineurs et dans des services de communications ou médias auxquels ils ont accès. 

L’article D.320-10 du CSI renforce également cette protection des mineurs et précise qu’il est interdit de diffuser :

  • Une publicité mettant en scène un mineur ;
  • Une publicité qui inciterait les mineurs à considérer que le jeu d’argent fait naturellement partie de leur loisir ; ou
  • Une publicité représentant des personnalités appartenant à l’univers des mineurs.

Plus généralement, l’article D.320-9 du CSI interdit également : 

  • Les publicités incitant à une pratique de jeu excessive, banalisant ou valorisant ce type de pratique ;
  • Les publicités contenant des déclarations infondées sur les chances de gagner ;
  • Les publicités suggérant que jouer peut être une solution face à des difficultés personnelles, professionnelles, sociales ou psychologiques ;
  • Les publicités assimilant le jeu à une alternative au travail rémunéré ; et
  • Les publicités qui suggèrent que jouer contribue à la réussite sociale.

C’est cette dernière interdiction qui a fondé l’injonction de retrait de la publicité de Winamax.

Première application des lignes directrices de l’ANJ du 17 février 2022

Dans ses lignes directrices du 17 février 2022, l’ANJ précise son interprétation des interdictions posées aux articles D. 320-9 et D.320-10 du Code de la sécurité intérieure. 

La publication de ces lignes directrices est intervenue après la constatation de nombreux excès au cours de l’Euro de Football en juin 2021. Ayant relevé une intensification inédite de la pression publicitaire, l’ANJ a mené une large consultation publique à laquelle ont participé les opérateurs de jeu, les professionnels du soin et de la publicité, ainsi que le mouvement sportif. Les lignes directrices du 17 février 2022 sont le fruit de cette réflexion.

L’ANJ y indique notamment que la réussite sociale est une notion large qui doit s’entendre comme recouvrant « la réussite financière, le succès sentimental ou sexuel, la gloire, le pouvoir, le respect, l’admiration des tiers ou un signe de maturité »[3]

En conséquence, la représentation de signes extérieurs de richesse doit être exclue des communications commerciales pour les jeux d’argent et de hasard[4]. Dans cette même optique, les publicités ne doivent pas associer la pratique du jeu d’argent et de hasard avec la possibilité de changer de statut social[5].

La sanction de la publicité de Winamax constitue la première application de ces lignes directrices relatives aux contenus des communications commerciales des opérateurs de jeu d’argent et de hasard. 

Appréciation factuelle du message publicitaire litigieux

En l’espèce, Winamax contestait avoir diffusé une communication comportant une incitation excessive au jeu, car le message litigieux ne faisait pas ostensiblement mention de la somme gagnée. L’ANJ rejette cet argument, en considérant que la perception de l’importance du gain est rendue évidente par l’ascension sociale métaphorisée dans la vidéo publicitaire.

L’opérateur soutenait également que la publicité ne prêtait aucune satisfaction aux protagonistes du fait de leur élévation sociale, la mère du gagnant étant « effrayée durant cette montée » en ascenseur. L’ANJ ne souscrit pas à cet argument, et juge que les éléments de la communication suggèrent dans leur ensemble que les jeux d’argent peuvent contribuer à la réussite sociale. 

Enfin, Winamax soutenait avoir modifié sa publicité à la demande de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et avoir sollicité un avis préalable sur celle-ci auprès des services de l’ANJ. L’ANJ considère que la circonstance que l’ARPP ne se soit pas opposée à la diffusion de la campagne publicitaire « Tout pour la Daronne » est inopérant, et ajoute que les avis préalables rendus par des services de son autorité, saisis pour l’accompagnement à la conformité, ne constituaient aucunement une validation définitive de la communication commerciale.

Quelle marge de manœuvre dans la création des contenus publicitaires ?

La portée de l’interdiction de suggérer que jouer contribuerait à la réussite sociale étant particulièrement large, les annonceurs devraient s’abstenir d’associer les parieurs mis en scènes à toute représentation de signes extérieurs de succès, qu’ils soient financiers, sentimentaux ou sociaux. 

La marge de manœuvre des opérateurs de jeu d’argent ou de hasard se situe dans la créativité de leurs campagnes, et dans la mise en avant de la spécificité de leurs services par rapport à ceux de leurs concurrents. Ainsi, l’ANJ leur reconnaît le droit de promouvoir leur offre de jeu « à travers des communications commerciales originales », dès lors que celles-ci ne comportent pas d’incitation excessive au jeu. 

Lire la décision n° 2022-073 de l’Autorité nationale des jeux du 17 mars 2022  


[1] Article D. 320-9, 2° du Code de la sécurité intérieure

[2] Communication n° 2022-C-001 du 17 février 2022 de l’ANJ, point 8

[3] Communication n° 2022-C-001 du 17 février 2022 de l’ANJ, point 19.

[4] Communication n° 2022-C-001 du 17 février 2022 de l’ANJ, point 20.

[5] Communication n° 2022-C-001 du 17 février 2022 de l’ANJ, point 21.

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