Dans un arrêt du 1er février 2023, la Cour d’appel de Paris a sanctionné sur le fondement de la contrefaçon une société d’édition qui avait exploité des œuvres en dehors du champ contractuellement prévu et pour atteinte au droit moral de l’auteur.
Un dessinateur avait créé une association afin d’assurer la promotion et la défense de ses œuvres contre toute utilisation illicite. Cette dernière avait conclu plusieurs contrats avec une société d’édition portant sur l’exploitation numérique des illustrations du dessinateur.
Considérant que la société avait manqué à plusieurs de ses obligations et exploité les illustrations dans des modalités non prévues dans le contrat, l’association et les ayants-droits du dessinateur l’ont assigné devant le Tribunal judiciaire de Paris.
Ce dernier a fait droit à leurs demandes et prononcé la résiliation des contrats. Il a également condamné la société pour contrefaçon de droits d’auteur et atteinte au droit moral du dessinateur.
Saisie par la société, la Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance.
Le manquement à l’obligation de communiquer une annexe relative au versement des droits justifie la résiliation du contrat
L‘association et la société avaient conclu un « contrat de mise à disposition » des œuvres du dessinateur. La société s’engageait à créer et exploiter un site internet avec un nom de domaine éponyme du dessinateur pour commercialiser ses illustrations.
En contrepartie, la société était tenue de verser à l’association une rémunération, déterminée dans une annexe qu’elle devait fournir. Cette dernière n’avait cependant jamais communiqué cette annexe et l’association n’avait en conséquence jamais perçu les rémunérations correspondant aux ventes intervenues sur le site internet.
La Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance qui avait prononcé la résiliation judiciaire du contrat, en raison de la violation grave par la société de ses obligations contractuelles[1].
Au surplus, la Cour a ordonné le transfert du nom de domaine, exploité par la société et utilisant le nom de l’auteur, à l’association ainsi que les comptes de réseaux sociaux associés.
L’exploitation d’œuvres en dehors du champ contractuel constitue un acte de contrefaçon
L’association et les ayants-droits sollicitaient également la condamnation de la société pour contrefaçon de droits d’auteur.
Ils lui reprochaient d’avoir édité et exploité des œuvres du dessinateur sans autorisation et en dehors du champ prévu par le contrat.
La Cour a considéré que la société avait effectivement outrepassé les modalités d’exploitation prévues au contrat. Elle a ainsi relevé que l’appelante avait reproduit sans autorisation les œuvres sur des supports non prévus par le contrat (album de coloriage, DVD, etc.). La Cour a également reproché à la société une interprétation trop extensive des autorisations dont elle bénéficiait.
En l’absence d’autorisation, la société ne pouvait donc réaliser les reproductions litigieuses. La Cour a ainsi confirmé le jugement qui avait condamné la société pour contrefaçon de droits d’auteur.
La représentation d’œuvres dans un média proche des opinions extrémistes peut porter atteinte au droit moral de leur auteur
Chaque auteur bénéficie d’un droit au respect de son œuvre[2]. Ce droit permet à l’auteur, puis à ses ayants-droits après sa mort, de s’opposer aux modifications de l’œuvre qui portent atteinte à son intégrité formelle ou à son esprit.
En l’espèce, les œuvres du dessinateur avaient été présentées dans une émission animée par une spécialiste de la littérature jeunesse. Cette émission avait été diffusée sur un média en ligne proche des idées d’extrême droite et qui s’autodéfinissait comme « libéré du politiquement correct ».
Or, l’auteur avait toujours exprimé de son vivant vouloir éviter toute relation avec tout éditeur ou organisme proche des idées d’extrême droite ou intégristes. Ce faisant, la Cour a considéré que la présentation des œuvres dans un tel contexte portait atteinte à leur intégrité[3].
Lire l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 1er février 2023, RG n°21/07310.
[1] Un autre contrat, aux fins d’édition, avait été conclu entre la société et l’association. Cette dernière sollicitait également la résiliation de ce contrat au motif que la société ne lui avait jamais adressé de reddition des comptes pourtant imposée par l’article L.132-17-3 du Code de la propriété intellectuelle. La Cour d’appel a confirmé sur ce point le jugement du Tribunal qui avait prononcé la résiliation de plein droit de ce second contrat.
[2] Ce droit fait partie des droits moraux de l’auteur qui comprennent également le droit de paternité (Article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle).
[3] La Cour a également considéré que la reproduction des œuvres sur des montres plastiques portait atteinte au « droit à la qualité [des] œuvres » de l’auteur.