La réparation du dommage né d’une loterie publicitaire trompeuse peut être limitée au préjudice moral

Dans un arrêt du 22 novembre 2022, la Cour de cassation a précisé que l’absence de perception du gain promis dans le cadre d’une loterie publicitaire trompeuse peut constituer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un simple préjudice moral lié à la déception engendrée. 

Une agence de publicité avait mené une campagne publicitaire, sous forme de loterie, pour deux marques de produits alimentaires.  

Estimant avoir été trompés par cette campagne publicitaire, des consommateurs avaient porté plainte contre la société qui, selon eux, leur avait fait espérer des gains inexistants par voie de publipostage. 

Il était ainsi reproché à la société d’avoir présenté comme une certitude, et non comme un évènement hypothétique, le gain d’un lot d’un montant 9 000 euros et d’avoir entretenu la confusion entre participation au jeu et nécessité de passer commande.

Le Tribunal correctionnel, saisi de l’affaire, avait reconnu la société et sa présidente coupable de pratique commerciale trompeuse et les avait notamment condamnées à réparer les préjudices matériels et moraux subis par quatre parties civiles. 

Saisie en appel sur les intérêts civils, la Cour d’appel de Paris avait confirmé la condamnation des prévenus à réparer solidairement les préjudices subis par les parties civiles, et notamment le préjudice matériel correspondant au montant des gains espérés.

La société et sa présidente avaient formé un pourvoi en cassation. 

Le régime applicable aux loteries publicitaires 

Le Code de la sécurité intérieure pose un principe général d’interdiction des jeux d’argent et de hasard, et donc des loteries en tout genre[1].

Par exception à ce principe d’interdiction, ce même code[2] autorise certains jeux d’argent, et notamment les loteries publicitaires. 

Sont ainsi autorisées les pratiques commerciales mises en œuvre par les professionnels à l’égard des consommateurs, sous la forme d’opérations promotionnelles tendant à l’attribution d’un gain ou d’un avantage de toute nature par la voie d’un tirage au sort, quelles qu’en soient les modalités, ou par l’intervention d’un élément aléatoire[3]

Le texte précise toutefois que les loteries publicitaires sont licites à condition de ne pas constituer une pratique commerciale déloyale, c’est-à-dire de ne pas altérer ou être susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur[4].

L’indemnisation du dommage né de l’absence de perception du gain promis peut être limitée au seul préjudice moral de déception

En l’espèce, les prévenus reprochaient à la Cour d’appel de les avoir condamnés au paiement du montant du gain, c’est-à-dire à délivrer le gain promis. 

Selon eux, la Cour d’appel se serait placée à tort sur le terrain quasi-contractuel pour fixer le montant du préjudice indemnisable. 

En effet, la jurisprudence, lorsqu’elle statut en matière de quasi-contrat[5], considère que l’organisateur d’une loterie publicitaire qui annonce un gain à une personne nommément désignée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa s’oblige à délivrer le gain[6].

Pour être qualifiée de quasi-contrat et engendrer la délivrance du gain, la promesse de gain faite doit nécessairement être faite à une personne dénommée.

L’action en cause était toutefois de nature délictuelle et non quasi-contractuelle, les intimés s’étant constitués parties civiles dans le cadre d’une plainte pour délit d’organisation de loterie publicitaire trompeuse. Sur ce fondement, seul le préjudice direct et personnel résultant de l’infraction devait faire l’objet d’une réparation. 

La Cour de cassation a ainsi considéré que, lorsque l’action en réparation est fondée sur la responsabilité délictuelle engagée en cas de pratique commerciale trompeuse, l’absence de perception des gains promis constitue, par la déception qu’elle engendre, un préjudice moral. 

Le préjudice indemnisable ne pouvait donc pas correspondre au montant du gain promis et non perçu. 

En conséquence, l’arrêt d’appel a été cassé par la Cour de cassation. 

Que retenir de cet arrêt ? 

La réparation, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, du dommage né de l’absence de perception du gain promis dans le cadre d’une loterie publicitaire trompeuse, peut être limitée au seul préjudice moral de déception. 

Lire l’arrêt de la Cour de cassation du 22 novembre 2022, n°21-86.010


[1] Article L. 320-1 du Code de la sécurité intérieure.

[2] Article L. 320-6, 7° du Code de la sécurité intérieure.

[3] Article L. 121-20 du Code de la consommation.

[4] Article L. 121-1 du Code de la consommation.

[5] Article L. 1371 du Code civil : « Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ».

[6] Cass. ch. mixte, 6 septembre 2022, n°98-22.981.

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