Brevet : L’employeur peut céder le droit au brevet portant sur une invention de mission développée par un salarié

Dans un arrêt du 5 janvier 2022, la Cour de cassation a confirmé que le cessionnaire du droit au brevet pouvait se prévaloir du régime des inventions de mission, et l’opposer au salarié inventeur. 

Pour rappel, l’article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle pose trois régimes distincts applicables aux inventions réalisées par des salariés : 

  • Les inventions de mission, dont l’employeur est ab initio le propriétaire et pour lesquelles le salarié, en plus de pouvoir être cité comme inventeur dans la demande de brevet, a le droit à une rémunération supplémentaire ;
  • Les inventions hors missions attribuables à l’employeur, qui appartiennent au salarié, mais dont l’employeur peut se faire attribuer la propriété à condition de verser à l’employé un « juste prix » en contrepartie ; et
  • Les inventions hors missions non attribuables à l’employeur, qui appartiennent au salarié. Pour pouvoir en bénéficier, l’employeur devra obtenir une licence ou obtenir la cession de l’invention par le salarié.

L’arrêt du 5 janvier 2022 portait sur une invention de mission réalisée par un salarié, pour laquelle le droit au brevet appartenait ab initio à son employeur.

En l’espèce, un salarié, recruté en qualité de responsable de projet par une première société, avait développé une invention de mission pour laquelle son employeur avait déposé une demande de brevet français. Ce salarié avait ensuite été licencié pour motifs économiques et embauché par une seconde société. 

La société mère du second employeur avait ultérieurement acquis, lors de la liquidation judiciaire de la première société, les éléments incorporels de son actif et notamment le brevet français. Elle avait par la suite déposé deux demandes de brevet (français et européen) portant sur une invention découlant de celle dont le salarié était co-inventeur, et cédé ses droits à la filiale employant ce dernier. 

Le salarié revendiquait la propriété de ces deux brevets, arguant que le régime des inventions de mission ne pouvait pas lui être opposé par son second employeur. Selon le salarié, ce dernier ne pouvait pas se prévaloir de la qualité d’ayant droit du premier employeur, seul celui-ci étant investi ab initio des droits sur l’invention réalisée par le salarié.

La Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié débouté de ses prétentions et confirme, au visa des articles L. 611‑6 et L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, que le régime des inventions de mission peut être invoqué par le cessionnaire du droit au brevet portant sur l’invention concernée :

« (…) si l’inventeur est un salarié et que l’invention est faite dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, le droit au brevet sur cette invention appartient au seul employeurAucune disposition n’empêche celui-ci de céder ce droit à un tiers. Par conséquent, ayant cause du cédant, le cessionnaire qui dépose le brevet peut opposer au salarié inventeur, qui demande le transfert du brevet à son profit, la nature d’invention de mission de l’invention protégée par le brevet, sur laquelle le salarié n’a jamais détenu de droit à un titre de propriété industrielle ».

Le droit au brevet sur les inventions de mission, naissant ab initio dans le patrimoine de l’employeur, est donc bien un élément incorporel d’actif transmissible indépendamment de la situation du salarié inventeur. Le cessionnaire, devenant « ayant cause du premier titulaire du droit au brevet », peut donc opposer la qualification d’invention de mission au salarié qui en revendique l’attribution. 

La Cour valide ainsi une pratique intra-groupe répandue consistant pour l’employeur, titulaire originaire de l’invention de mission, à céder cette invention indépendamment de l’existence de tout brevet – le cessionnaire pouvant ensuite procéder lui-même à une demande de brevet sur le fondement de l’invention cédée. 

Lire l’arrêt n° 19-22.030 de la Cour de cassation du 5 janvier 2022

Ne manquez pas nos prochaines publications

Votre adresse email est traitée par FÉRAL afin de vous transmettre les publications et actualités du Cabinet. Vous pouvez vous désabonner à tout moment. Pour en savoir plus sur la manière dont sont traitées vos données et sur l’exercice de vos droits, veuillez consulter notre politique de protection des données personnelles.

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.