Avec les règlements Digital Services Act et Digital Markets Act, qu’est ce qui va changer ?

A vrai dire, pas grand-chose, pour ce qui concerne le DIGITAL SERVICES ACT qui entérine dans les grandes lignes le dispositif créé par la directive 2000/31 Commerce électronique, transposée dans notre droit par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (Lcen). 

3 innovations retiennent plus particulièrement l’attention. 

Tout d’abord, les plateformes en ligne entrent dans la catégorie des services d’hébergement. Ces acteurs sont apparus après la loi pour la confiance numérique de 2004, avec le web 2.0. A la fois hébergeur de contenus et diffuseur d’information, la jurisprudence a admis à plusieurs reprises qu’ils pouvaient bénéficier du régime de responsabilité limitée de l’hébergeur. A ce titre, la plateforme n’encourt pas de responsabilité, si elle n’a pas connaissance effective de l’illicéité du contenu ou si, dès qu’elle en a eu connaissance, elle l’a retiré promptement ou rendu son accès impossible (DSA, art. 5). 

Toutefois, le législateur européen prévoit que ce régime de responsabilité limitée ne bénéficie pas à la plateforme dans un cas : celui du consommateur « moyen et normalement informé » qui peut être amené à croire que les informations, le produit ou le service sont fournis, soit directement par la plateforme en ligne, soit par un bénéficiaire du service agissant sous l’autorité ou le contrôle de la plateforme. Dans cette hypothèse, en cas de problème, le consommateur pourra engager la responsabilité de la plateforme qui ne pourra pas se prévaloir du régime de responsabilité de l’hébergeur (DSA, art. 5, §3). 

Ensuite, on identifie la catégorie des « très grandes » plateformes. Elle désigne les plateformes qui fournissent leurs services à un nombre moyen d’utilisateurs actifs mensuels au sein de l’Union européenne, égal ou supérieur à 45 millions et dont une liste est publiée par la Commission au JO de l’Union européenne (DSA, art. 25 ). La qualification de « très grande plateforme » s’applique ou cesse à partir de quatre mois suivant cette publication. 

Une « très grande plateforme » aura des obligations de transparence renforcées : rendre accessibles, sous forme aisément compréhensible, les paramètres de ses systèmes algorithmiques de recommandations (classement des contenus) ; faire une analyse d’impact des risques systémiques significatifs résultant du fonctionnement et de l’utilisation de leurs services (DSA, art. 26) ; communiquer certaines informations si la plateforme inclut dans son service en ligne des publicités (DSA, art. 30) ; désigner un délégué à la conformité (compliance officer) (DSA, art. 32) ; préciser dans le rapport annuel le résultat de l’évaluation des risques (DSA, art. 33)… 

Enfin, on peut constater que le montant des sanctions financières est particulièrement dissuasif. En tous les cas, rien à voir avec celles prévues actuellement par notre code pénal (CP, art. 131-38 prévoit un an de prison, 75 000 euros d’amende, peines quintuplées pour les personnes morales). En effet, les sanctions pourront aller jusqu’à 6% des revenus ou du chiffre d’affaires annuels du fournisseur concerné en cas de manquement aux obligations du Règlement ; jusqu’à 1 % des revenus ou du chiffre d’affaires annuels en cas de fourniture d’informations inexactes, incomplètes ou dénaturées, absence de réponse ou non-rectification d’informations inexactes, incomplètes ou dénaturées, refus de se soumettre à une inspection sur place ; et  jusqu’à 5% du chiffre d’affaires quotidien moyen au cours de l’exercice précédent par jour, pour d’éventuelles astreintes prononcées à compter de la date spécifiée dans la décision (DSA, art. 42). 

Pour ce qui concerne le DIGITAL MARKETS ACT, le législateur européen s’emploie à définir un cadre harmonisé « visant à garantir la contestabilité et l’équité des marchés dans le secteur numérique de l’Union là où des contrôleurs d’accès sont présents sur le marché » (DMA, art. 1er). 

Les « contrôleurs d’accès » (gatekeepers) désignent les plateformes qui proposent un « service de plateforme essentiel » (core plateform services) aux utilisateurs, professionnels ou non, établis ou situés dans l’Union (DMA, art. 1, §2). La liste des critères renvoie aux géants du numérique : avoir plus de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels en Europe et plus de 10000 utilisateurs commerciaux annuels établis en Europe, jouir d’une position bien établie et durable qui pourra se poursuivre dans un avenir proche… Sont ainsi directement visés les GAFAM qui contrôlent l’accès à l’essentiel de l’audience mondiale pour les annonceurs. 

Il faut admettre que notre droit national est insuffisant pour encadrer ces plateformes qui contrôlent « l’accès aux utilisateurs et fixent les règles de transmission de l’information entre eux ».  En effet, nos règles actuelles aboutissent souvent à une régulation ex post, c’est-à-dire une fois les agissements subis et le dommage produit. Les sanctions prononcées, trop peu dissuasives, ne sont pas souvent efficaces. La procédure contentieuse en droit de la concurrence est trop longue, et le vide juridique dont souffre le droit des concentrations, car reposant essentiellement sur des critères fixés en fonction de seuils de chiffre d’affaires, ne permettent pas de contrôler l’ensemble des opérations sensibles réalisées par de telles plateformes. 

Avec le DMA, ces contrôleurs d’accès vont avoir une série d’obligations qui vont s’imposer ex ante dans les relations avec les entreprises et les consommateurs. Celles-ci s’appliqueront cumulativement avec le droit des pratiques anticoncurrentielles, étant précisé qu’il est expressément interdit aux États membres d’imposer « des obligations supplémentaires par voie législative, réglementaire ou administrative, aux fins de garantir la contestabilité et l’équité des marchés » (DMA, art. 1er, §5). De même, les autorités nationales ne doivent prendre aucune décision qui irait à l’encontre d’une décision adoptée par la Commission » en application du DMA (DMA, art. 1er, §7). 

La Commission européenne se réserve de larges pouvoirs de surveillance et de contrôle, pouvant aller jusqu’au démantèlement lorsqu’il « ressort de l’enquête sur le marché qu’un contrôleur d’accès a systématiquement contrevenu » (DMA, art. 16). Quant aux sanctions, ici encore, elles sont dissuasives, pouvant atteindre jusqu’à 10% des revenus ou du chiffre d’affaires annuel du prestataire concerné. 

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