eCommerce : l’existence d’une obligation de paiement doit être indiquée de manière claire et apparente

Le professionnel doit s’assurer qu’à la seule lecture du bouton de validation de sa réservation, le consommateur est explicitement informé qu’il sera tenu à une obligation de paiement. 

En matière de contrats à distance, c’est-à-dire de contrats conclus par le biais d’une ou plusieurs techniques de communication à distance sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, le premier est tenu à une double obligation d’information à l’égard du second. 

Il est tenu dans un premier temps de communiquer au consommateur toutes les informations prévues par l’article 6 de la directive 2011/83/UE[1]. Ces informations portent notamment sur les principales caractéristiques du bien ou service objet du contrat, l’identité et l’adresse du professionnel, etc.

En outre, l’article 8, paragraphe 2, second alinéa[2] de la directive précitée met à la charge du professionnel une obligation formelle d’informer explicitement le consommateur que sa commande ou réservation impliquera une obligation de paiement à sa charge. 

Dans le cas où la finalisation de la commande passe par l’activation d’un bouton ou d’une fonction similaire, ces derniers doivent porter une mention dénuée d’ambiguïté indiquant que le fait de passer la commande oblige le consommateur à payer le professionnel. La directive prévoit à ce titre l’utilisation d’une « mention facilement lisible [telle que] commande avec obligation de paiement ou une formule analogue ».

À défaut du respect de cette obligation par le professionnel, le consommateur n’est pas considéré comme étant lié par le contrat.

C’est sur la question de l’information relative à l’obligation de paiement que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), saisie d’une question préjudicielle soulevée par des juridictions allemandes, s’est prononcée le 7 avril 2022.

En l’espèce, un consommateur avait réservé plusieurs chambres d’hôtel via la plateforme de réservation d’hébergements en ligne Booking. Le consommateur avait renseigné ses données personnelles puis cliqué sur un bouton portant la mention « finaliser la réservation », mais ne s’est pas présenté à l’hôtel aux dates indiquées. La société propriétaire de l’hôtel l’a par la suite assigné en paiement des frais d’annulation prévus dans ses conditions générales. 

La juridiction allemande saisie s’interrogeait sur la conformité du bouton « finaliser la réservation » avec l’obligation du professionnel d’informer le consommateur de l’existence d’une obligation de paiement. À ce titre, elle a saisi la CJUE d’une question préjudicielle portant sur la conformité de la formulation utilisée en l’espèce aux dispositions de la directive.

Elle demandait plus précisément s’il convient de se fonder sur la seule mention figurant sur le bouton, ou si doivent également être prises en compte les circonstances entourant le processus de commande.

Appréciation concrète de la formule utilisée du point de vue du consommateur moyen 

La CJUE rappelle qu’il ressort du libellé de la directive précitée que la formule « commande avec obligation de paiement » revêt un caractère seulement indicatif. En conséquence, les États membres sont autorisés à admettre l’utilisation de toute autre formule analogue, pourvu que cette formule soit dénuée d’ambiguïté quant à la naissance d’une l’obligation de paiement à la charge du consommateur. À défaut d’exemples précis dans le droit national, comme cela était le cas en l’espèce, les professionnels sont libres de recourir à toute mention de leur choix, tant qu’il ressort sans ambiguïté de cette mention que le consommateur contracte une obligation de paiement. 

Si les termes proposés dans la directive ne sont pas contraignants, les professionnels sont limités dans le choix de la formule qui doit être dénuée d’ambiguïté quant à la naissance de l’obligation de paiement. 

En conséquence, la juridiction de renvoi devra vérifier concrètement si le terme « réservation » est, dans le langage allemand courant et dans l’esprit du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, « nécessairement et systématiquement associé à la naissance d’une obligation de paiement ». Dans le cas contraire, l’expression « finaliser la réservation » ne pourra pas être considérée comme étant une formule analogue à la mention « commande avec obligation de paiement », et le contrat ne sera pas considéré comme valablement conclu.

Le même raisonnement est transposable en droit français qui ne contient pas non plus d’exemples précis de formules analogues à celle prévue dans la directive. En effet, l’article L.221-14 du Code de la consommation, alinéa 2[3], prévoit lui aussi que la fonction utilisée par le consommateur pour valider sa commande doit comporter « la mention claire et lisible : commande avec obligation de paiement ou une formule analogue, dénuée de toute ambiguïté, indiquant que la passation d’une commande oblige à son paiement ».   

Les circonstances entourant le processus de commande sont indifférentes 

À la question relative aux éléments à prendre en compte pour déterminer si le professionnel a rempli son obligation d’information, la Cour précise que l’appréciation de l’ambiguïté de la formule utilisée par ce dernier se limite à la seule mention figurant sur le bouton de commande ou sur la fonction similaire. Les circonstances entourant le processus de commande ne sont quant à elles pas déterminantes.

Cette interprétation s’appuie sur l’analyse du considérant 39 de la directive[4], lequel ne se réfère nullement à une « appréciation globale des circonstances ». La Cour se fonde aussi sur la ratio legis de la directive 2011/83 dont l’objet est de garantir un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information. Compte tenu de cet objectif, il est impossible de considérer que le consommateur devrait déduire des circonstances de la commande qu’il s’engage à payer, alors que le bouton de commande ou la fonction similaire eux-mêmes seraient entachés d’ambiguïté.

Les professionnels de vente ou de prestation de services à distance doivent veiller à faire figurer sur le bouton ou la fonction similaire de finalisation de commande une mention explicite sur le fait que le consommateur se soumet à une obligation de paiement.

L’appréciation in concreto de l’ambiguïté potentielle des termes utilisés par le professionnel tient compte du sens commun donné à ces termes dans le langage du consommateur. Les professionnels soumis au droit français doivent en conséquence choisir des formules dont le sens est, dans le langage français courant, nécessairement associé à l’obligation de payer. 

Lire l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 7 avril 2022 


[1] Article 6 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs.

[2] Article 8 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs.

[3] Article L221-14, alinéa 2 du Code de la consommation

[4] Considérant 39 de la directive précitée

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